Les autorisations administratives de fonctionnement: activités de soins et équipements matériels lourds (scanner, IRM, TEP, caisson hyperbare, cyclotron)

  • Pas de convention, plus d’autorisation… Vers un jeu de dupes a haut risque des acteurs de santé ?

 

Les activités de soins font chacune l’objet de normes techniques opposables au respect desquelles les établissements s’engagent à l’occasion des procédures d’autorisation.

 

Parmi ces normes, le conventionnement entre acteurs est apparu comme le gage de la continuité et de la sécurité des parcours de soins.

 

Sur le fondement d’un défaut de conventions, les ARS refusent régulièrement des demandes de création d’activité de soins voire de renouvellement d’autorisations conduisant à la disparition de l’offre.

 

Tel fut l’un des griefs de l’ARS Midi Pyrénées pour motiver une décision implicite de refus de renouveler les autorisations de soins de suite et de réadaptation de la Clinique Saint Louis à Rodez conduite aujourd’hui au dépôt de bilan.

 

En l’espèce,la Clinique qui entretenait des liens effectifs avec le CH de Rodez, s’est vue reprocher une absence de formalisation de conventions, qu’elle avait pourtant rédigées avec chacun des pôles de celui-ci et pour lesquelles l’ARS avait fait des observations sans remettre en cause leur contenu, mais qui ne furent jamais signées par le directeur de l’hôpital.

 

Ces situations semblent se multiplier de sorte que nous recommandons à tous les établissements de santé de réaliser un suivi attentif de leurs conventions et de leurs démarches partenariales, et ce en amont de toutes échéances tenant aux procédures d’autorisation et particulièrement de renouvellement.

 

Force est de constater que l’obligation de contracter est une obligation unilatérale qui pèse très souvent sur la partie la plus faible au contrat à savoir celle qui est en demande. Cette demande s’inscrit souvent dans un rapport de dépendance inhérent à la structuration du tissu sanitaire du territoire d’implantation. Telle est la situation d’un établissement de proximité au regard de l’établissement pivot et/ou référent seul détenteur de plateaux techniques de recours. Si le premier donnera facilement convention au second pour des raisons évidentes d’orientation de patients à son bénéfice, le second peut être tenté d’utiliser cette position dominante pour poursuivre des intérêts divergents ou concurrents notamment dans un contexte de contraintes budgétaires qui favorisent les concentrations d’activités et exige des acteurs la recherche de développements d’activités nouvelles. Cette situation conduit à mettre les établissements les plus dépendants dans une situation juridique susceptible de remettre en cause leurs autorisations et leur pérennité.

 

La Clinique de Rodez, dernier bastion libéral de l’Aveyron, fut la victime toute désignée dans un tissu exclusivement hospitalier et associatif, qui identifiera certainement une nouvelle proie parmi l’un d’entre eux pour nourrir les besoins de développements.

 

Pourtant le droit contractuel français est dominé par le principe d’égalité des parties. Or, en faisant supporter l’obligation de contracter sur une seule des parties, le pouvoir réglementaire, à l’occasion de l’édiction des normes techniques, est allé à l’encontre de ce principe, faisant émerger une forme de norme «potestative» dont la réalisation dépend exclusivement d’un tiers sur lequel ne pèse aucune obligation ni même intérêt. Par là même, le dispositif normatif ouvre une nouvelle voie de mise en échec des autorisations pourtant sélectionnées et délivrées par l’administration sanitaire.

 

Ce rapport de force est rendu possible par le fait que les établissements aujourd’hui référents, à savoir ceux vers qui les demandes de convention sont portées, n’ont aucune obligation de recevoir favorablement ces demandes, alors même qu’ils constituent parfois la seule alternative sur un territoire.

 

L’obligation de conventionner devrait d’abord porter sur les centres lourds ou référents d’un territoire.

 

En ce sens, pourquoi un service de réanimation n’aurait-il pas une obligation de contracter avec les unités de chirurgie ou de médecine d’urgence implantées sur son territoire ? Pourquoi le service des urgences ne supporte-t-il pas la même obligation de conventionnement que l’unité de SSR qui doit formaliser une convention avec lui ?

 

De ce cadre juridique déséquilibré, naissent des situations où la confrontation concurrentielle de l’offre de soins sur un territoire conduit les établissements à rechercher des conventions auprès de partenaires extraterritoriaux aux dépens des patients et de l’efficience de l’offre de soins.

 

Cette situation est d’autant plus ubuesque que la réalité des transferts se fait de facto vers la structure la plus légitime à recevoir les patients à savoir l’établissement référent du territoire, et ce en dehors de tout cadre formalisé.

 

Il existe donc une dichotomie entre la formalisation des conventions et la réalité des orientations des patients.

 

Il faut d’ailleurs s’interroger sur la nécessaire formalisation des conventions de partenariats. L’existence de transferts, souvent réalisés selon des modalités définies entre les équipes des services d’amont et d’aval, ne constituent-ils pas un lien contractuel suffisant, le droit français n’imposant aucunement la formalisation comme critère exclusif de la formation du contrat, sauf dispositions légales spécifiques ?

 

De même, l’exigence d’une formalisation contractuelle lors d’une demande de création d’une activité de soins ne doit-elle pas être constatée une fois l’autorisation obtenue, dans le délai de la visite de conformité ? Seule l’intention de contracter devrait alors être vérifiée lors du dépôt. A ce titre, certaines créations sont portées par des personnes morales en cours de constitution qui n’ont pas d’existence juridique lors du dépôt de la demande de sorte qu’elles n’ont pas la capacité juridique à contracter. L’obligation de formaliser empêcherait donc toute personne en cours de constitution de solliciter une autorisation ce qui serait contraire aux dispositions de la loi hospitalière.

 

L’exigence de formalisation que semble vouloir retenir les ARS ne vient finalement servir que leurs propres besoins, voire lui permettre de rendre certains arbitrages entre deux demandes concurrentes. Ce constat a fait naître des inepties où le contrat vient formaliser des coopérations théoriques auxquelles ne répondra aucun patient, la réalité du parcours de soins des patients se faisant dans un cadre non formalisé, entre équipes médicales, répondant d’une logique naturelle de proximité et bravant les visions stratégiques de certaines directions.

 

En guise de conclusion, le conventionnement comme outil de lisibilité de la continuité des soins et de la sécurisation des parcours doit peser sur les différentes parties, et en premier lieu sur les structures de recours, la demanderesse y ayant par nature un intérêt, au risque de nourrir des calculs antinomiques avec l’efficience de l’offre et l’intérêt des patients.

 

Une association avait sollicité une autorisation de création d'une structure HAD sur les départements de l'Essonne et de la Seine et Marne ce qui lui avait été refusé par la commission exécutive de l'ARH Ile de France, décision confirmée, de manière implicite, par le ministre de la Santé saisi d'un recours hiérarchique.

 

Le Conseil d'Etat a été saisi d'une première difficulté tenant à l'irrecevabilité du recours contentieux formé par l'association contre les décisions des deux autorités de tutelle.

 

Il était argué que ce recours avait été introduit tradivement.

 

La Haute Juridiction estime, en ce qui concerne la décision de la commission exécutive, que la forclusion du délai de recours n'était pas opposable puisque la décision ne mentionnait pas les voies et délais de recours.

 

Cette solution est classique.

 

L'analyse faite par le Conseil d'Etat, s'agissant de la décision ministérielle implicite de rejet, est plus intéressante.

 

On aurait pu croire que le délai de recours expirerait à l'issue du délai de 2 mois courant à compter de la date de naissance de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique.

 

Tel n'est pas le cas.

 

La Haute Juridiction tire d'une disposition du code de justice administrative le fait que la forclusion du délai de recours ne saurait être, en l'absence de disposition sépcifique du code de la santé publique, opposée lorsqu'une décision implicite contestée a été rendue suite à un avis émis par un organe consultatif ce qu'était indubitablement le CNOSS.

 

Cette solution est toutefois d'application limitée.

 

Elle ne s'applique pas lorsque la décision est expresse qu'elle soit d'autorisation ou de refus d'autorisation y compris lorsqu'elle porte sur un renouvellement.

 

Elle ne devrait pas trouver à s'appliquer lorsque la décision est une décision de refus d'autorisation prise par l'ARS puisque le pétitionnaire malheureux sollicitera, dans la plupart des cas, la communication des motifs de ce refus. En effet, dans cette hypothèse, la loi hospitalière prévoit expressément que le délai de recours contentieux est reporté à la date de notification des motifs du refus.

 

Le Conseil d'Etat s'est ensuite penché sur les motifs de refus qui avaient fondé la décision de la commission exécutive de l'ARH.

 

Ces motifs sont limitativement énumérés par la loi hospitalère et l'autorité de tutelle ne saurait s'en éloigner.

 

Aussi, elle ne pouvait fonder son refus au motif que l'offre de soins en Ile de France était plus importante que celle des autres régions : les besoins s'apprécient uniquement en considération de la zone géographique de référence.

 

Elle ne pouvait pas plus arguer du caractère prématuré de la demande au prétexte que le SROS III était en cours de finalisation : la demande doit être examinée en considération du SROS en vigueur au jour où la décision est prise non de celui à intervenir.

SL   

  • CAA Lyon 26 septembre 2013 N°12LYO2844 EURL Maison d'accueil de Saint-Jodard (légifrance.gouv)

Cet arrêt a pour intérêt de rappeler que la connaissance acquise par l'autorité de tutelle de la réalisation, sans autorisation, de l'extension de la capacité, en l'espèce d'un EHPAD, ne vaut pas autorisation tacite, ce qui a été plaidé, sans succès, par la demanderesse qui s'était vue refuser, dans le cadre d'une demande de régularisation de sa situation, l'autorisation d'extension indûment mise en oeuvre.

SL

 

 

Cet arrêt est intéressant à deux égards.

 

La Clinique de la Roseraie s'est vue refuser le renouvellement de son autorisation d'activité de chirurgie en hospitalisation complète.

 

Le SROS III prévoyait la nécessité de mettre en place une coopération entre les 2 établissements de Paray-le-Monial en Bourgogne.

 

Le PRS rappelait cette obligation tout en ne prévoyant plus, sur cette ville, que l'existence d'un seul plateau technique chirurgical.

 

La clinique semble avoir initié les démarches auprès du CH de Paray-le-Monial en vue de mettre en oeuvre cette coopération mais s'est heurtée à un refus de la part de celui-ci.

 

Le Conseil d'Etat confirme, de manière classique, que le refus de l'établissement avec lequel une coopération doit être engagée est malheureusement sans incidence sur la légalité de la décision de refus de renouvellement.

 

On perçoit ici tout le poids que peut avoir l'établissement tiers sur la pérennité de la structure à laquelle il est fait obligation de coopérer et il est permis de s'interroger sur l'attitude que la tutelle aurait adoptée s'il était revenu au Centre Hospitalier le privilège de renouveler son autorisation avant la clinique.

 

Le refus de renouvellement opposé à la clinique prenait effet à la date du 31 octobre 2012 soit quelques jours seulement après son intervention.

 

L'arrêt du Conseil d'Etat ne nous permet pas de savoir, même si cela est fort probable, si cette date du 31 octobre 2012 constituait le terme de l'autorisation renouvellée.

 

Le Conseil d'Etat estime que la juridiction saisie n'avait pas à prendre en considération ce très court délai d'exécution qui ne pouvait toutefois que poser en pratique de réelles difficultés quant à la continuité des soins.

 

Il est à noter que la décision déférée à la censure du Conseil d'Etat était une ordonannce du Juge des Référés et il n'est pas certain que le tribunal saisi au fond aura la même analyse. Mais il sera alors probablement trop tard pour la clinique.

SL

 

 

  • TA Orléans 28 mars 2013 n°1201686  (lettre du  Tribunal Administratif d'Orléans n°16) 

 

Cette décision nous montre qu'une action de coopération ne peut pas toujours s'affranchir de la participation d'autres acteurs locaux, notamment en matière d'imagerie médicale, domaine dans lequel beaucoup de radiologues se sont plaints d'être évincés des coopérations mises en place par certains de leurs confrères.

 

Un groupement avait été constitué entre un centre hospitalier et une société de radiologues en vue de l'exploitation d'un scanner dont l'autorisation d'installation avait été délivrée par l'ARS.

 

Cette autorisation était contestée par une autre société de radiologues déjà en conflit avec ces mêmes acteurs relativement à l'accès à un premier scanner.

 

Le tribunal administratif d'Orléans annule l'autorisation octroyée au motif que l'ARS aurait du assortir l'autorisation d'une condition prise dans l'intérêt de la santé publique visant à définir les mesures de coopération favorisant une utilisation commune de l'équipement.

 

En d'autres termes, il est reproché à l'ARS de ne pas avoir fait en sorte d'ouvrir le fonctionnement de cet équipement à des radiologues non membres du groupement.

 

L'abstract du jugement qui a été publié ne nous permet pas d'identifier les raisons de fond justifiant la position adoptée par la juridiction et plus particulièrement, les éventuelles recommandations fixée par le SROS en matière d'imagerie médicale.

 

Il n'en reste pas moins que la CSOS avait émis un avis défavorable portant semblet-il sur le périmètre de la coopération envisagée qui semble avoir eu son importance dans la décision rendue.

SL