Contrats et redevances des médecins

  • La faculté de s’associer prévue au contrat d’exercice doit s’exercer dans le respect de l’exclusivité concédée aux bénéficiaires d’une convention d’exercice privilégié

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

Dans les contrats régissant les relations entre cliniques et médecins libéraux, il peut arriver que les dispositions contractuelles accordant au médecin la faculté de s’associer avec un praticien de même spécialité soient en contradiction avec le droit d’exercice privilégié contractuellement concédé à certains médecins de même spécialité, dont le respect s’impose à la clinique.

 

C’est notamment le cas si le contrat prévoit tout à la fois la faculté de s’associer avec un praticien de même spécialité moyennant un agrément de la clinique après avis de la conférence médicale et le bénéfice d’un exercice privilégié avec des cas énumérés de levée d’exclusivité, au nombre desquels ne figure pas la faculté de s’associer.

 

Un arrêt de la Cour d’appel de Colmar, 2ème ch section A 14 février 2019 (n°17/00818) nous en a fourni récemment l’illustration.

 

Une convention d’exercice conclue entre un urologue (le docteur H) et une clinique prévoyait à son bénéfice un droit d’exercice privilégié, entendu comme étant l’interdiction faite à la clinique de concéder à d’autres praticiens l’autorisation d’exercer la même spécialité sans l’accord des praticiens bénéficiant dudit exercice privilégié.

 

Une procédure de levée d’exclusivité était prévue par une charte d’exercice dans certains cas limitativement énumérés par l’article 2 du contrat (absence d’expertise dans un domaine relevant de sa spécialité, insuffisance d’activité dans la discipline du médecin et /ou fuite d’une partie significative de la clientèle vers un pôle concurrent, exploitation déficitaire de l’établissement).

 

La convention prévoyait par ailleurs en son article 10 b la possibilité de s’associer à un confrère de même spécialité présentant les garanties de compétence professionnelle et de moralité sous condition d’agrément de la clinique après avis de la Conférence médicale. Cet article ne faisait pas référence à un quelconque accord des bénéficiaires d’un exercice privilégié dans la même spécialité.

 

Le 13 mars 2007, la clinique a informé le Dr H que le Dr S, autre médecin urologue bénéficiant d’un exercice privilégié, avait l’intention de s’associer avec le Dr M. Malgré l’opposition du Dr H, la conférence médicale a donné son avis favorable à la candidature du Dr M et une convention d’exercice a été conclue avec ce dernier le 4 mars 2009.

 

Le Dr H a assigné la clinique pour violation de son exercice privilégié et en paiement de dommages intérêts.

 

Un arrêt de la cour d’appel de Colmar du 24 avril 2015, infirmant le jugement précédemment rendu ayant débouté le médecin de ses demandes, avait reconnu cette violation et condamné la clinique à payer 30 000 euros de dommages intérêts au titre de son préjudice matériel ainsi que 10000 euros pour le préjudice moral.

 

Il avait été retenu dans ledit arrêt qu’aucun des cas de levée d’exclusivité limitativement énumérés dans la convention d’exercice n’était invoqué en l’espèce et que la possibilité pour un médecin d’exercer en qualité d’associé dans la clinique la même spécialité que ceux bénéficiant de l’exclusivité était contraire au principe même de l’exclusivité énoncé aux articles 1 et 2 du contrat d’exercice et que cette faculté ne pouvait déroger à ce principe.

 

Un arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2016(n°15-20498) avait rejeté le moyen de cassation invoqué par la clinique, qui faisait valoir que dans son arrêt du 24 avril 2015, la cour d’appel avait dénaturé les termes clairs et précis du contrat en ne retenant pas que les dispositions prévoyant la faculté de s’associer moyennant un agrément de la clinique était une exception aux principes de l’exercice privilégié énoncé aux articles 1 et 2  et considéré en conséquence que toute nouvelle convention d'exercice dans sa spécialité était subordonnée à l'accord  du Docteur H .

 

Néanmoins, la cour de Cassation avait  cassé l’arrêt de cour d’appel en toutes ses dispositions sur une autre problématique qui avait trait au non-respect du contradictoire par la cour d’appel qui avait relevé d’office le moyen tiré de l’existence d’un préjudice consistant dans une perte de chance pour le médecin de maintenir son niveau de rémunération antérieur.

 

Se prononçant sur renvoi de la Cour de cassation, dans le présent arrêt du 14 février 2019, la cour d'appel de Colmar énonce que "Dès lors que la convention prévoit en faveur du docteur H, un droit exclusif d'exercer sa spécialité dans la clinique, auquel il ne peut être dérogé que dans trois hypothèses limitativement prévues, parmi lesquelles ne figure pas le cas où un autre médecin bénéficiant de la même exclusivité userait de la possibilité de prendre un associé, ce cas ne peut constituer une exception à l'exclusivité concédée au Docteur H. 

 

La faculté d'association des praticiens exerçant au sein de la clinique ne peut s'exercer que dans le respest de l'exclusivité concédée à ceux qui bénéficient d'une convention d'exercice privilégié, ce qui suppose nécessairement leur accord.

 

Par conséquent, le Docteur H était en droit de s'opposer à ce que la clinique conclût une convention d'exercice avec le docteurM , en qualité d'associé du docteur S, autre praticien bénéficiant d'une convention d'exercice privilégi dans la même spécialité. En se passant de l'accord du docteur H, l'association (...) a manqué a son engagement contractuel et engagé sa responsabilité envers le docteuur H..."

 

 

Il ressort de cette jurisprudence de la Cour de cassation et de la cour d’appel de Colmar qu’aucune dérogation au droit d’exercice exclusif est admise en dehors des cas limitativement énumérés, et ne peut résulter implicitement d’autres dispositions contractuelles contradictoires (comme celles prévoyant la faculté de s’associer sans prévoir l’accord des titulaires du droit d’exercice exclusif).Une solution contraire viderait l’exclusivité concédée de sa substance.

 

S’agissant du préjudice à réparer, il est considéré par la cour d’appel que l’arrivée au sein de la clinique du nouvel associé, le Dr M, dans la même spécialité que celle du docteur H, a pu entraîner une baisse d’activité, donc de revenus.

 

Selon une attestation de l’expert- comptable, le praticien concerné a enregistré une baisse de 34594,65 euros après l’arrivée du nouvel associé

 

Toutefois il est considéré par la cour d’appel que si la baisse peut pour partie être imputée à la concurrence de ce praticien, elle ne peut l’être intégralement compte tenu notamment des fluctuations du montant des honoraires sur les années ultérieures. Dès lors le préjudice s’analyse qu’en une perte de chance de maintenir son niveau de rémunération qui est en l’espèce fixée à 30 000 euros au vu des justificatifs incomplets produits par le praticien pour les années 2009 (année d’arrivée du nouvel associé) à 2014.

 

La cour d’appel considère par ailleurs que la violation d’exclusivité concédée cause un préjudice moral qu’elle évalue à 10000 euros.

 

 

 

  • Rupture du contrat d’exercice libéral : quand le préavis accordé est amputé de la période de congés

 

Un arrêt de la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Caen du 21 juillet 2020 (n°18/02589) nous rappelle l’objectif poursuivi par le délai de préavis lors de la résiliation d’un contrat d’exercice libéral conclu entre un médecin et un établissement de santé : il s’agit de laisser le temps au médecin de réorganiser sa vie professionnelle de sorte qu’il ne peut être réduit des congés.

 

Dans cette affaire, un contrat d’exercice libéral avait été conclu pour 5ans renouvelable par tacite reconduction entre un centre de médecine physique et de réadaptation et un cardiologue. Il pouvait être rompu moyennant le respect d’un préavis de 3 mois.

 

Le contrat a été dénoncé par le Centre médical de manière anticipée avant l’échéance contractuelle, la lettre de rupture indiquant que le contrat prendrait fin au terme du préavis de 3 mois courant.

 

Estimant que la rupture du contrat était intervenue de manière abusive et vexatoire, le médecin a assigné le centre médical afin de la voir constater et d’être indemnisé de ses préjudices. Ayant été débouté de ses demandes par le TGI d’Argentan, le médecin a interjeté appel de ce jugement.

 

Le médecin considère qu’aucun grief sérieux ne peut lui être reproché et que n’a pas été respecté le délai contractuellement prévu, « manifestement insuffisamment au regard de la jurisprudence ».

 

Infirmant le jugement du TGI d’Argentan,la cour d’appel de Caen considère que la rupture du contrat est intervenue dans des circonstances de nature à caractériser  un abus de droit :

 

-d’une part la lettre de rupture n’est pas motivée ;

 

 et d’autre part le délai de préavis a été « amputé des congés d’été, ne permettant pas au Docteur S de prendre ses dispositions pour se réinstaller dans un délai restreint ».

 

Et la Cour d’appel de poursuivre que « …une indemnité compensatrice de préavis peut être allouée en sus des dommages-intérêts dans l’hypothèse où en l’absence de contrat écrit, n’aurait pas été respecté un délai de préavis suffisant, ou si la durée prévue au contrat n’a pas été respectée.

 

Cette indemnité est due même si celui qui peut y prétendre, a retrouvé rapidement un autre emploi.

 

En l’espèce, le contrat prévoyait un délai de préavis de trois mois (…)

 

Il n’est pas sérieusement contesté par l’intimé, qu’il n’a pas été tenu compte des congés d’été du médecin dans le calcul du préavis dont le terme a été fixé au 30 septembre 2016 par la lettre de rupture du 29 juin, de telle sorte que le délai contractuellement prévu n’a pas été respecté. »

 

En conséquence, il a été considéré que le praticien était bien fondé à solliciter, outre une somme au titre de la réparation de son préjudice moral pour rupture précipitée (et une somme pour la réparation de son préjudice matériel) l’allocation d’une indemnité compensatrice de préavis calculée sur la période non exécutée en fonction des éléments comptables produits, qui a été fixée à la somme de 20750 euros.

 

Cette jurisprudence rendue en matière de contrat d'exercice libéral rejoint celle rendue en matière de contrat de travail.

 

Un arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 14 octobre 1987 (n°84-41670) a ainsi considéré que "...les congés payés ayant été institués en vue d'assurer un repos aux travailleurs, tandis que le délai de préavis doit permettre à la partie qui a reçu congé de chercher un nouvel emploi, ces deux périodes ne peuvent être confondues; que dès lors, la société ne pouvait imputer la période de préavis sur celle des congés payés...". 

 

 

 

  • Résilier un contrat d'exercice en accordant le  bénéfice d'un préavis exclut la qualification de faute grave

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

Dans un arrêt rendu le 14 novembre 2018 (n°17-23135), la Cour de cassation pose le principe selon lequel une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien du contrat d'exercice (ou d'exploitation) entre professionnel de santé et établissement de santé et ne peut par conséquent s'accommoder du bénéfice d'un préavis. Dans ce dernier cas, la qualification de faute grave ne peut être retenue,.les deux concepts s'excluant l'un l'autre en quelque sorte.

 

Dans cette affaire, une clinique a conclu, le 21 décembre 2010, avec un radiologue, une convention pour l'exploitation d'un scanner.

 

Cette convention prévoyait notamment que chacune des parties pourrait y mettre fin en respectant un préavis de six mois, que la résiliation du contrat par la clinique entraînerait au bénéfice du praticien le paiement d'une indemnité correspondant à une année de chiffre d'affaire et que la clinique pourrait résilier le contrat, sans indemnité ni préavis, dans le cas où le praticien commettrait une faute grave.

 

Le 24 août 2011, la clinique a,  par avenant à cette convention, autorisé la transmission de la convention à une société dont le radiologue était l'unique associé, prévu la possibilité pur le praticien de faire intervenir d'autres praticiens préalablement agréés et conclu des contrats d'exercice individuels avec ces praticiens, lequels ont été transférés à la société, représentée par le radiologue.

 

Par lettre du 25 juillet 2014, la clinique a résilié la convention d'exploitation du scanner avec effet au 31 janvier 2015, en énonçant plusieurs griefs à l'encontre du radiologue et en s'opposant au versement d'une indemnité de résiliation à la société; cette dernière l'a assignée, notamment en paiement de cette indemnité.

 

La clinique fait grief à l'arrêt de cour d'appel (CA Paris, pôle 2, ch 2, 15 juin 2017) d'avoir écarté l'existence d'une faute grave et de l'avoir condamnée à payer à la société l'indemnité de résiliation prévue par la convention.

 

Dans l'arrêt du 14 novembre 2018, la Cour de cassation énonce clairement le principe selon lequel une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien d'un contrat d'exploitation ou d'exercice conclu entre un professionnel de santé ou une société professionnelle et un établissement de santé pendant la durée même limitée du préavis; la faute grave ne peut dès lors être retenue que si  la résiliation a été prononcée avec un effet immédiat.

 

En application de ce principe, et, après avoir rappelé que la cour d'appel avait relevé que la clinique avait résilié le contrat en accordant à la société un préavis de 6 mois, la Cour de cassation considère qu'il en résultait que la qualification de faute grave ne pouvait qu'être écartée et que la décision de cour d'appel se trouvait justifiée de ce chef.

 

Il convient de faire remarquer que dans le cadre d'une résiliation unilatérale d'un contrat d'exercice, la Cour de cassation a précédemment considéré que la gravité du comportement du médecin n'était pas nécessaire exclusive d'un délai de préavis (Cass, 1ère ch civ, 13 ootobre 1998, n°96-21485 ) 

 

  • Quand le refus d'agrément d'un successeur est constitutif d'un abus de droit...

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

 

L'un des principes fondamentaux du droit des contrats est le principe de bonne foi ou de loyauté.

 

L'abus de droit est l'une des illustrations de la notion de mauvaise foi. Il s'agit d'une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur.

 

Il peut ainsi arriver qu'un contractant abuse des prérogatives qu'il tient du contrat.

 

La théorie de l'abus de droit trouve à s'appliquer s'agissant de l'exercice du droit de refus d'agrément du successeur d'un praticien avec lequel une clinique est liée par un contrat d'exercice libéral.

 

Ainsi que l'énonce la cour d'appel de Lyon dans un arrêt du 14 avril 2011 (n°09/03321), le refus de donner son agrément et d'agréer un successeur à un praticien "...n'est que l'exercice d'un droit que (la clinique) tient du caractère intrinsèquement intuitu personae du contrat d'exercice libéral et ce droit, lorsqu'il est mis en oeuvre, peut être susceptible d'abus lorsqu'il est exercé de manière blâmable ou déloyale, ou détourné de sa finalité naturelle...".

 

Dans cette affaire, il a été considéré que "...Les conditions dans lesquelles le refus a été pris et notifié au docteur x et l'attitude qui s'en est suivie caractérisent une légèreté blâmable, et une attitude déloyale dans l'exercice du droit de refus d'agrément, la décision ayant été prise de manière inconséquente, précipitée et pouvant apparaître, comme discriminatoire à l'égard  d'un médecin, contre lequel s'élevaient les médecins anesthésistes de la clinique alors que les autres, dans sa spécialité, n'avaient aucun grief à énoncer."

 

Il a été considéré que "...cette décision de refus d'agrément prise sans aucune précaution véritable quant au fond de la contreverse qui devait, par la suite se révéler sans fondement, est une décision fautive à l'égard (du praticien) qui n'a pas pu poursuivre à compter du 1er janvier 2006, son activité comme il le prévoyait...'.

 

Une somme est allouée pour réparation du dommage causé au praticien candidat par l'exercice abusif de son refus d'agrément.

 

Dans un arrêt de la Cour de cassation, 2ème ch civile du 12 avril 2018 (n°16.23863)  ce n'est pas tant les conditions dans lesquelles le refus a été pris qui  caractérisent dans cette affaire l'abus dans l'exercice du droit de refus d'agrément que les critères retenus pour fonder le refus d'agrément.

 

En l'espèce, un chirurgien spécialisé en orthopédie et traumatologie souhaitant mettre un terme à son contrat d'exercice le liant à la clinique a fait application des dispositions contractuelles lui conférant la possibilité de présenter un successeur.

 

La clause organisant les conditions de présentation d'un successeur prévoyait que l'agrément de la clinique ne pouvait être refusé qu'au regard de "qualités morales ou compétences professionnelles" insuffisantes.

 

La Clinique a refusé le troisième candidat sur le fondement de l'absence "d'activité à titre libéral en secteur 1 ou 2".

 

Faisant valoir que la clinique avait commis un abus dans l'exercice de son droit de refuser l'agrément des successeurs qu'elle lui avait présentés, le praticien partant a assigné la clinique en paiement de dommages-intérêts au titre de la perte du prix de cession des éléments incorporels de son cabinet d'orthopédie et d'un préjudice moral.

 

La clinique a interjeté appel du jugement l'ayant condamné à indemniser le praticien.

 

La Cour de cassation considère que "...s'étant fondée sur les dispositions contractuelles selon lesquelles seuls les motifs liés aux qualités morales ou aux compétences professionnelles du candidat présenté par le praticien seraient considérées comme opposables à ce dernier par la clinique, la cour d'appel a pu, sans être tenue de s'expliquer sur la procédure d'agrément, en déduire que cet établissement, qui n'avait formulé aucune grief quant aux qualités morales et aux compétences professionnelles de Mr Z, qui lui avait été présenté, ne pouvait se prévaloir de son absence d'activité libérale antérieure pour refus de l'agréer..." de sorte que la clinique avait abusé de son droit de refus d'agrément et ainsi engagé sa responsabilité contractuelle.

 

La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel qui avait considéré que la clinique avait abusé de son droit de refus d'agrément en ajoutant un critère d'appréciation non prévu au contrat d'exercice libéral et en ne formulant aucun grief quant aux compétences professionnelles et aux qualités morales, qui constituent  les critères  d'agrément contractuellements prévus.

 

La clinique avait été condamnée par la cour d'appel à payer au médecin 144425 euros à titre de dommages-intérêts pour perte du prix de cession des éléments incorporels de son cabinet d'orthopédie outre 10000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral.

 

 

  • Attention au respect de la clause de conciliation préalable à l'action en justice en cas de pluralité de litiges opposant les parties au contrat d'exercice

 

Un arrêt de la cour d'appel de Metz 1ère chambre du 22 mars 2018 (n°17/00607) illustre parfaitementt la stricte application qui est faite de la clause contractuelle de conciliation obligatoire préalable à toute action contentieuse souscrite dans les contrats conclus entre professionnels de santé ou entre professionnels de santé et établissements de santé.

 

 

En application de l'article 122 du Code de procédure civile et de l'ancien article 1134 du code civil, applicable au litige, l'absence de tentative de conciliation préalable  à la saisine du juge en cas de différend, alors qu'est prévue au contrat une clause instituant une procédure de conciliation obligatoire  préalable à cette saisine, constitue une fin de non recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent. 

 

 

Comme le rappelle l'arrêt de cour d'appel précité, cette fin de non recevoir peut par exemple être utilement opposée dans l'hypothèse où une tentative de conciliation est certes intervenue entre les parties mais porte sur un autre litige les opposant que celui ayant fait l'objet de l'action judiciaire.

 

 

Les faits et la procédure

 

En l'espèce un contrat de collaboration libérale avait été conclu entre deux ophtalmologues. Aux termes dudit contrat, Mme B avait été autorisée à collaborer au sein du cabinet de Mr H  7 demi-journées par semaine, en contrepartie du versement mensuel à ce dernier d'une redevance correspondant à 40 % de la totalité des honoraires perçus..Ce contrat comportait une clause de conciliation préalable obligatoire qui prévoyait "..de soumettre à la conciliation et avant tout recours tous les litiges ou différends relatifs notamment à la validité, l'interprétation, l'exécution ou la résolution du contrat..."

 

 

Mr H a intenté une action en paiement de redevances d'honoraires impayés auprès du TGI de Metz et obtenu ainsi une ordonnance faisant injonction à Mme B. de payer la somme en principal de 71.418,22 euros., à l'encontre de laquelle Mme B  formé opposition à cette ordonannce en faisant valoir qu 'un avenant était intervenu en 2013 par lequel les parties s'étaient accordés sur un taux de redevance de 35 %.

 

 

Le TGI par un nouveau jugement a fait droit aux prétentions de Mr H réduites à la somme de 36742, 10 euros et retenant l'argumentaire de ce dernier d'absence de preuve de l'existence d'un avenant écrit modificatif .

 

Mme B a demandé devant la cour d'appel l'infirmation du jugement en faisant valoir l'irrecevabilité de la requête du Dr H en injonction de payer les redevances au motif qu'il n'y aurait pas eu respect de la procédure de conciliation préalable puis d'arbitrage conformément au contrat avant le dépôt de la requête.

 

 

Ce que retient la cour 

 

La cour d'appel relève que les griefs de M. H. exposés tant dans le courrier du 2 octobre 2013 que dans le PV de réunion de conciliation du 7 novembre 2013 ne concernent pas le défaut de règlement des redevances contractuelles ni ses conséquences dommageables qu'il allègue dans le cadre de la présente procédure judiciaire.

 

 

En effet la tentative de conciliation préalable qui est effectivement intervenue portait sur d'autres griefs (publicité et initiation d'un détournement de clientèle) et n'est pas rapportée la preuve que le praticien aurait postérieurement à cette réunion de conciliation, saisi le CDOM du différend portant sur des redevances d'honoraires dont le paiement était réclamé par courrier du 10 décembre 2013, et sur le préjudice y afférent.

 

 

La cour d'appel considère qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments produits que le litige objet de la requête en injonction de payer déposée par M. H.le 6 août 2014 puis objet de la procédure devant le TGI et la Cour d'appel n'était pas inclus dans le litige qui a fait l'objet d'une tentative de conciliation confiée au CDOM et ayant donné lieu à la réunion du 7 novembre 2013.

 

Or la cour d'appel relève que «...ainsi qule stipule expressément l'article 18 du contrat de collaboration libérale litigieux, les parties sont convenues de soumettre à la conciliation et avant tout recours, « tous les litiges ou différends relatifs notamment à la validité, l'interprétation, l'exécution ou la résolution du contrat », de sorte que, conformément aux dispositions claires du contrat ayant force obligatoire entre les parties, chaque litige découlant de faits différents devait faire l'objet d'une recherche de conciliation préalable.

 

La cour infirme par conséquent le jugement et considère qu'était irrecevable la requête en injonction de payer  en l'absence de mise en oeuvre, s'agissant des demandes objet du présent litige, d'aucune procédure de conciliation préalable telle que prévue tant par une clause du contrat avant la date du dépôt de sa requête , ni même postérieurement.

 

  • Durée de préavis à respecter en cas de résiliation contractuelle: le contrat-type du CNOM n'est qu'une préconisation à laquelle il peut être dérogé par convention contraire

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

Par un arrêt du 31 octobre 2017 (n°16/01.068), la chambre civile de la cour d'appel de Chambéry rappelle utilement que le contrat-type entre praticiens et cliniques privées adopté par le CNOM, qui fixe les durées de préavis à respecter en fonction de l'ancienneté en cas de résiliation contractuelle, n'est qu'une proposition à laquelle les parties peuvent déroger par convention écrite.

 

Dans cette affaire, le contrat d'exercice libéral écrit d'un médecin ORL, qui avait une ancienneté supérieure à 10 ans, avait été résilié suite au recentrage des activités de la clinique sur l'orthopédie et l'ophtalmologie et moyennant le respect d'un préavis de 6 mois.

 

Le médecin a assigné la clinique en faisant valoir que le préavis contractuel n'avait pas été respecté et que le contrat avait été abusivement rompu.

 

Le contrat d'exercice écrit conclu entre la clinique et le médecin  stipulait qu'il pouvait y être mis de part et d'autre "..sous réserve d'un préavis d'au moins 6 mois..".

 

En première instance, le tribunal a considéré que le contrat prévoyait un préavis minimum de 6mois, lequel avait été respecté, et que la preuve d'une rupture abusive du contrat n'était pas rapportée.

 

Ayant fait appel du jugement, le médecin a fait valoir que " ...en prévoyant un préavis d'au moins six mois l'intention des parties était en réalité de fixer une durée plus longue..." et  que "...du reste le contrat-type entre praticiens et les cliniques privées diffusé par le conseil prévoit des durées plus longues, réservant le préavis de 6 mois à un exercice de moins de 5années".

 

Il  est vrai que le contrat-type de l'ordre de 1979 prévoit, s'agissant d'un médecin ayant une ancienneté supérieure à 10 ans (comme c'est le cas du médecin en l'espèce) un délai de préavis de 18 mois.

 

La cour d'appel n'a pas retenu l'argumentaire développé par le praticien :

 

-d'une part, elle a retenu que la clause contractuelle qui fixait le délai minimum de préavis à 6mois était claire et précise et que dès lors, le juge n'avait pas à rechercher l'intention des parties, sauf à dénaturer la clause;

 

-d'autre part, elle rappelle que le "...contrat-type invoqué par l'appelant n'est qu'une proposition faite par le conseil de l'ordre, à laquelle les parties peuvent déroger...".

 

C'est donc le principe fondamental de la liberté contractuelle qui fait en principe la loi des parties.

 

Il en aurait été autrement si la clause du contrat-type de l'ordre avait fait partie des clauses déclarées essentielles par l'Ordre. De telles clauses, établies conformément à des dispositions législatives ou réglementaires, sont dans ce cas obligatoires et il ne peut y être dérogé par convention contraire.

 

Rappelons en effet que l'Ordre national des médecins dispose d'un pouvoir réglementaire lui permettant de présenter certaines clauses des contrats-type qu'il adopte comme essentielles et déclarer qu'elles ont une valeur réglementaire.Ce pouvoir , consacré par un arrêt du Conseil d'Etat du 14 février 1969, a été  rappelé et confirmé par un autre arrêt de la Haute Juridiction du 13 mai 1987 (n°13751).

 

Parmi les contrats-types contenant des clauses déclarées essentielles, on citera les contrats-type d'association entre médecins de même disciplines pour l'exercice de la médecine de groupe avec ou sans mise en commun des honoraires ou encore les statuts type de SCP.

 

S'agissant des contrats d'exercice verbaux entre cliniques et praticiens, tout est plus simple car le contrat-type du CNOM constitue la  "référence" et peut être valablement opposé.

 

En l'absence d'écrit, les conditions de collaboration entre un médecin et une clinique sont fixées par les usages de la profession qui résultent du contrat-type préconisé par le CNOM ainsi que le rappelle un arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 février 1997.

 

Un autre arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 juin 2003 précise que les usages entre cliniques et praticiens résultent du contrat-type adopté en 1979 par le CNOM et sont applicables à défaut de convention contraire.

 

 

  • Résiliation du contrat d'exercice avec faible préavis :pas d'indemnisation de la perte de chance de pouvoir présenter sa patientèle à un successeur si le contrat ne prévoit pas de droit de présentatio(article mis à jour le 7 septembre 2018)

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

Un arrêt, rendu récemment par la Cour de cassation (Cass, 1ère ch civ, 11 mai 2017,n°16-15.694), nous apporte des précisions sur le pouvoir du juge d'allouer  au praticien,  dont le contrat a été résilié avec un préavis abrégé, une indemnité au titre de la perte de chance de pouvoir présenter sa patientèle à un successeur.

 

Dans cette affaire, un chirurgien a exercé, en l'absence de contrat écrit, une activité libérale de chirurgie vasculaire, à partir de 1984, au sein d'une clinique. A la suite d'une réorganisation de celle-ci, consistant en un recentrage de ses activités sur l'orthopédie et la neurochirurgie, le contrat du praticien a été résilié le 1er septembre 2010. Ce dernier a assigné la clinique en paiement de différentes indemnités.

 

La cour d'appel de Chambéry a estimé, en se fondant sur l'ancienneté du praticien et les usages de la profession, que la durée du préavis que la clinique aurait dû respecter était de 2ans (alors qu'elle avait été en l'espèce de 6 mois ) et  lui a alloué une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'une indemnité au titre du préjudice moral lié à la rupture prématurée.

 

Pour allouer également au praticien une indemnité au titre de la perte de chance de pouvoir présenter sa patientèle à un successeur, l'arrêt de la cour d'appel se fonde sur la faible durée du préavis ne lui ayant pas permis d'envisager une telle présentation. La Cour de cassation considère qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme la clinique lui avait demandé, si le contrat dont bénéficiait le praticien comprenait le droit pour celui-ci de présenter sa patientèle à un successeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

 

La Cour de cassation considère donc que le juge, qui a alloué une indemnité au titre de la perte de chance de présenter sa clientèle, en omettant de vérifier que le contrat présentait un droit de présentation, n'a pas rempli pleinement son "office".

 

La Cour de cassation a en conséquence cassé et annulé partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry en ce qu'il a condamné la clinique à payer au praticien la somme de 100.000 euros au titre du dommage subi du fait de la perte du droit de présentation de la patientèle et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Grenoble.

 

Dans un arrêt rendu le 26 juin 2018, (n°17/03322) ladite cour d'appel considère que "...Le droit de présenter un successeur et de céder sa clientèle ne se présumant pas, doit être expressément prévu au contrat liant les parties...".

 

Relevant qu'en l'espèce, il n'existe aucun contrat écrit organisant les relations contractuelles des parties, la cour d'appel de Grenoble confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la perte du droit de présentation de la patientèle.

 

L'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 11 mai 2017,  doit être rapproché d'un autre arrêt de la Cour de cassation à la solution voisine (Cass, 1ère ch civ., 25 mars 2003, n°00-15.115).

 

Dans cette affaire, le contrat avait été résilié sans préavis. La cour d'appel, qui a estimé que la rupture du contrat sans préavis était abusive, a alloué, en sus d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité pour rupture de carrière, une autre indemnité au motif que la rupture abusive avait interdit au praticien de présenter un successeur.

 

La Cour de cassation a cassé l'arrêt sur ce dernier point en considérant, qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le contrat dont il bénéficiait était cessible, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision.

 

 

  • Le défaut de communication des contrats conclus pour l'exercice d'une profession médicale: une faute disciplinaire susceptible de sanction

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

L'article L.4113-9 du CSP met à la charge de tout membre d'une profession médicale (médecin, sage-femme, chirurgien-dentiste), en exercice ou demandant son inscription au tableau, l'obligation de communiquer au Conseil départemental de l'Ordre dont il relève les contrats et avenants relatifs à son exercice professionnel.

 

Sont concernés par exemple les contrats médecin/Clinique, les contrats d'association, statuts de sociétés, contrats de remplacement, contrats de médecin collaborateur.

 

Sont également concernés les contrats portant sur le matériel utilisé ou sur le local dans lequel le professionnel exerce s'il n'en est pas propriétaire ainsi que les contrats ayant pour objet de transmettre la propriété  de ce matériel ou local sous condition résolutoire.

 

S'agissant des médecins cette règle de communication des contrats conclus pour l'exercice professionnel est rappelée par les dispositions déontologiques prévues aux articles R.4127-83 (pour les contrats conclus avec une entreprise ou un établissement privé), R.4127-84 (pour les contrats conclus avec l'administration) et R.4127-91 du CSP(pour les contrats d'association , statuts de sociétés, les contrats de remplacement, les contrats de collaborateur etc) ...

 

Cette communication doit être faite dans le mois suivant la conclusion du contrat ou de l'avenant afin que le conseil départemental de l'Ordre des médecins puisse vérifier sa conformité avec les principes du code de déontologie, ainsi que, s'il en existe, avec les clauses essentielles des contrats-types établis par le conseil national.

 

Selon l'article L.4113-10 du CSP, le défaut de communication des contrats ou avenants constitue une faute disciplinaire susceptible d'entraîner une des sanctions prévues à l'article L. 4124-6 prononcées par la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre.

 

Il peut également entraîner un refus d'inscription à l'Ordre si une demande d'inscription était faite.

 

Une illustration jurisprudentielle récente des risques disciplinaires encourus est donnée par un décision de la chambre disciplinaire nationale du 8 novembre 2016.

 

Un généraliste, a transmis au CDOM, avec un an de retard, un contrat signé avec une polyclinique en 2006.

 

Par ailleurs, les contrats conclus ultérieurement avec des établissements de santé (un à l'étranger en 2008 ainsi qu'un nouveau contrat avec la même  polyclinique en 2013) n'ont pas été communiqués au CDOM  malgré les deux relances opérées lors d'entrevues avec le conseil de l'ordre et les deux lettres recommandées envoyées en 2012 et 2014. C'est seulement après que le conseil départemental eut déposé plainte contre lui et dans le cadre de la procédure contentieuse contradictoire, que le médecin a enfin transmis les contrats.

 

Il a été considéré par la juridiction disciplinaire que "...ni les changements intervenus dans l’activité professionnelle du Dr P ni ses difficultés familiales ne peuvent justifier une méconnaissance aussi persistante de ses obligations déontologiques ni sa désinvolture manifeste à l’égard des instances ordinales...;"

 

Lui est infligée en appel par la chambre disciplinaire nationale  la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un mois dont 15 jours avec sursis.

 

Dans cette décision, l'appréciation de la lourdeur de la sanction tient compte de la réitération des manquements et la légèreté manifestée par le médecin face aux demandes de communication formulées par l'Ordre.

 

Il est également rappelé dans cette décision qu'il résulte clairement des dispositions de l'article L.4113-9 et R.4123-83 du CSP que "...la transmission au conseil départemental par les médecins des contrats qu’ils passent pour l’exercice de leur profession est une obligation qui leur incombe personnellement et dont ils ne sauraient se décharger sur les établissements ou institutions avec lesquels ils ont contracté...".

 

Il convient de préciser que le seul retard de communication des contrats peut à lui seul justifier une sanction disciplinaire, ainsi qu'il peut être constaté dans une décision rendue par la chambre disciplinaire nationale du 24 février 2012;

 

Dans cette affaire, les praticiens hospitaliers en cause n'avait communiqué qu'avec plusieurs années de retard au conseil départemental leurs contrats d'activité libérale.

 

Il a été considéré que les circonstances qu’un membre du CDOM appartient à la commission d’activité libérale du centre hospitalier, que l'un des praticiens est délégué suppléant au CDOM et que l’existence de cette activité est connue du président de ce CDOM ne dispensaient pas les praticiens poursuivis de respecter cette formalité.

 

S'agissant du cas des associations, à titre d'exemple, la chambre disciplinaire nationale a ,par une décision du 8 mars 2016, sanctionné disciplinairement le co-gérant d'une SCM n'ayant pas communiqué au conseil départemental malgré des demandes réitérées de celui-ci, des statuts actualisés prenant en compte les départs, et les arrivées, d’associés en méconnaissance de l'article L.4113-9 CSP.

 

La jurisprudence évoquée ci-avant devrait inciter les médecins à remplir leur obligation déontologique dans le délai imparti et à tout le moins à répondre dans les plus brefs délais aux injonctions de communication des documents contractuels qui leur sont faites sous peine de se voir reprocher une légèreté blâmable.

 

 

 

Les rappels de la jurisprudence récente sur la qualification de faute grave des manquements commis par le médecin

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

Il est de principe jurisprudentiel constant que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls sans demander en justice la résolution du contrat (Cass,, 1ère ch civile 13 octobre 1998).

 

Les contrats d'exercice libéraux prévoient fréquemment que la faute grave commise par le médecin permet à la clinique de s'abstraire du respect d'un préavis et de l'indemnité de rupture contractuelle.

 

Cependant qu'en est-il des critères permettant de qualifier la faute d'un médecin de grave?

 

Il s'agit de manquements suffisamment importants pour rendre impossible le maintien du médecin dans l'établissement .

 

Il peut s'agir de risques immédiats que le praticien fait courir à la clinique ou aux patients (manquements réitérés aux règles de sécurité, risques avérés lors de l'instruction d'un procès pénal ayant donné lieu à condamnation, alcoolisme etc...).

 

Il peut aussi s'agir de manquements au devoir de loyauté contractuelle ou à la probité (par exemple la dissimulation d'une condamnation ordinale à la clinique par un mensonge et poursuite de l'exercice en méconnaissance de la suspension prononcée à titre de sanction) etc..

 

Toutefois un arrêt de la cour d'appel de Douai du 27 octobre 2016 (n°15/03076) nous rappelle utilement que la gravité de la faute peut aussi résider dans l'accumulation et la réitération de plusieurs faits fautifs sans qu'aucun de ces faits ne caractérise à lui seul une faute grave.

 

En l'espèce, il était reproché au médecin un manque d'attention aux patients, le non paiement régulier des redevances, la méconnaissance des horaires de travail imposés par l'activité du bloc opératoire (plusieurs retards reprochés allant de 45 minutes à 1 H 15), une absence pour maladie sans pourvoir à son remplacement au mépris des dispositions contractuelles.

 

Le médecin a donc été débouté de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour réparation d''un préjudice moral.

 

Cet arrêt de la cour d'appel de Douai est dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation.

 

 Par un arrêt rendu le 25 mars 2003 (1ère ch civ), la Cour de cassation a en effet confirmé un arrêt de cour d'appel ayant jugé la rupture unilatérale d'un contrat d'exercice libéral à durée indéterminée brusque et génératrice en conséquence d'une indemnité compensatrice de préavis, aux motifs que seule une faute grave pouvait justifier la rupture du contrat sans préavis et que "(...) non seulement la Clinique ne démontrait aucun fait grave se suffisant à lui-même, mais qu'aussi, il n'en existait aucun résultant de la réunion de plusieurs faits imputables (...)'.

 

S'agissant de la réitération de faits fautifs retenue comme constitutive d'une faute grave , on peut mentionner, dans la jurisprudence antérieure, le cas d'un médecin persistant malgré un avertissement, à se rendre au lit des patients pour y percevoir les honoraires (Cour d'appel d'Aix en Provence du 9 janvier 1997 SA Clinique Santa Maria c/ Darmon) ou le cas d'un médecin ayant des difficultés relationnelles majeures avec les patients et les confrères, dans lequel la répétition du comportement contraire au code de déontologie caractérise la réalité et la gravité de la faute (Cour d'appel de Douai, 13 juin 2007).

 

Un arrêt de la cour d'Appel de Nîmes, 1ère ch civ, 22 septembre 2016 (n°15/03772) vient nuancer la possibilité de qualifier de faute grave des manquements répétés allégués en l'absence de mise en demeure préalable.

 

Dans cet arrêt l'établissement reprochait à un médecin psychiatre absent de manière répétée de s'être rendu coupable d'une faute grave ayant entraîné de sérieux dysfonctionnements dans l'établissement dans la mesure où elle ne permettait pas, selon lui, une prise en charge sérieuse du suivi psychiatrique des patients en stage de rééducation professionnelle.

 

La cour d'appel a exclu l'existence d'une faute grave  dès lors que l'établissement, qui invoque de sérieux dysfonctionnements subis par elle, n'a pas pris la peine d'avertir, dans des termes circonstanciés, le praticien avant la notification de la rupture alors que l''ancienneté des manquements supposés et leur répétition imposaient une réaction rapide.

 

Par ailleurs il est considéré que le temps couru entre les manquements et la rupture exclut de facto toute qualification de faute grave

.

 
  • La faible activité d'un médecin ne peut motiver la résiliation de son contrat d'exercice par la clinique

 

Par Anne-Cécile lemoigne

 

C'est ce qui ressort d'un arrêt rendu par laCour d'appel de Paris le 11 mars 2016 (n°14/14567) 

 

Dans cette affaire, la clinique a mis fin au contrat d'exercice à durée indéterminée d'un chirurgien orthopédique et traumatologique sans indemnité en se prévalant notamment d'une insuffisance d'activité de ce médecin dont le montant des honoraires annuels était inférieur à 40000 euros.

 

Or le contrat prévoyait une rupture sans indemnité dans la seule hypothèse où le chirurgien se rendrait coupable dans l'exercice de sa profession d'une faute grave sanctionnée par une interdiction d'exercer de plus de trois mois.

 

La clinique demandait en appel l'infirmation du jugement du TGI de Meaux l'ayant condamné au paiement de l'indemnité de résiliation contractuellement prévue.

 

Le médecin faisait  valoir pour sa part qu'il ne lui avait  jamais été imposé un objectif de rentabilité, argument contraire à la déontologie médicale et au code de la santé publique.

 

La cour d'appel de Paris confirme le jugement du TGI en considérant"... que dans le cadre de leurs relations contractuelles, le docteur G 'n'était pas tenu à un minimum d'activité chirurgicale au sein de sa spécialité ni tenu d'avoir un chiffre d'affaires minimum ou équivalent à celui du docteur K. avec qui elle partageait la co-exclusivité du secteur d'activité chirurgicale..."

 

Par ailleurs, la Cour d'appel considère "..qu'une telle exigence aurait été au surplus contraire à la déontologie médicale à laquelle la clinique est tenue et résultant de l'article R. 4127-83 II du code de la santé publique qui mentionne qu' un médecin ne peut accepter un contrat qui comporte une clause portant atteinte à son indépendance professionnelle ou à la qualité des soins, notamment si cette clause fait dépendre sa rémunération ou la durée de son engagement de critères de rendement".

 

 

Quand la fusion de deux cliniques a pour conséquence une violation d'exclusivité contractuelle...

 

Un arrêt de la cour d'appel de Paris, du 29 septembre 2015 (RG 13/15502) (JurisData 2015-02805) est l'illustration d'un cas où le regroupement d'établissements mettant fin au bénéfice d'une exclusivité contractuelle est imputable à la clinique à faute.

 

Un médecin cardiologue bénéficiait, au sein d'une clinique, d'un contrat d'exercice libéral à durée indéterminée. Ce contrat comportait une clause d'exclusivité d'exercice selon laquelle l'établissement de soins s'engageait "(...) à ne recourir au service d'un médecin de même spécialité que, soit à la demande expresse d'un malade, soit dans des circonstances exceptionnelles (...)". Ce contrat prévoyait également la faculté pour le médecin, en cas de retrait, de présenter un successeur dans un délai de 3 mois.

 

La Clinique a fusionné volontairement avec une autre clinique. Cette fusion s'est concrétisée par le regroupement des deux établissements sur un nouveau site et s'est soldée par l'arrivée de deux nouveaux cardiologues sans qu'aucune discussion n'ait eu lieu avec l'intéressé pendant le temps de la mise en place de la nouvelle organisation.

 

Le cardiologue a alors invoqué une violation de son droit d'exercice exclusif et la perte du bénéfice de la clause de présentation d'un successeur et réclamé des dommages-intérêts.

 

La cour d'appel de Paris considère qu'il y a eu violation d'exclusivité car le regroupement des établissements était contraire à la clause souscrite.

 

En effet, la décision de fusion qui "dépendait de la seule volonté du débiteur de l'obligation d'exclusivité" hors toute recommandation impérative des autorités de tutelle ne relevait pas de "circonstances exceptionnelles" au sens du contrat, lesquelles étaient nécessairement entendues, sauf à vider le privilège consenti de toute portée, comme étant "ponctuelles et de durée".

 

La cour d'appel considère que la rupture des relations contractuelles est imputable à la clinique dés lors que le médecin n'a été à aucun moment consulté sur l'organisation du service de la nouvelle unité de cardiologie devant être mise en place suite à la fusion.

 

Les deux médecins ont en effet pratiqué, dès leur arrivée, les électrocardiogrammes préparatoires qui relevaient jusqu'alors de la seule responsabilité du médecin et celui-ci n'a pas été intégré ni associé à l'unité de cardiologie nouvellement créée par les deux arrivants, située au 3ème étage auquel il n'avait pas accès.

 

De fait il s'est trouvé exclu du service mais également privé de toute activité à l'égard des patients qui y consultaient.

 

Il est considéré que le médecin a subi un préjudice financier directement imputable à la perte d'exclusivité qui consiste, d'une part     , dans une baisse du chiffre d'affaires de l'ordre de 11% et, d'autre part, dans l'amoindrissement de la valeur patrimoniale de son droit de cession du contrat à un successeur, le contrat cédé ne pouvant plus être assorti d'une clause d'exclusivité personnelle. Il est enfin alloué 5000 euros au titre du préjudice moral.

 

Cet arrêt doit être rapproché d'un arrêt rendu par la Cour de cassation du 17 juin 2015 (n°14-19740) qui a cassé un arrêt de cour d'appel ayant prononcé la résiliation judiciaire d'un contrat aux torts exclusifs de la clinique aux motifs que la perte d'agrément s'agissant de l''activité d'obstétrique était la conséquence des choix antérieurs de la clinique de ne pas poursuivre son activité d'obstétrique et qu'elle devait assumer les conséquences du manquement caractérisé à son engagement d'assurer la co-exclusivité des lits de maternité.

 

La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant que la cour d'appel avait violé l'article 1134 du Code civil "...en statuant ainsi, alors que le contrat d'exercice avait réservé l'hypothèse d'une résiliation d'agrément des organismes de tutelle et que le fait pour un établissement de santé de s'engager, conformément aux orientations et objectifs fixés par les schémas régionaux d'organisation sanitaire, dans un regroupement de ses activités conduisant au transfert de sa maternité au sein d'n centre hospitalier public ne saurait lui être imputé à faute...".

 

  • Cour d'appel  Limoges Chambre civile, 22 Avril 2015 (N° 14/00512) Mr Hubert Manhes c/SA Polyclinique La Pergola : sur l'évaluation du préjudice résultant de l'arrêt de l'activité obstétrique d'un gynécologue-obstétricien par suite de la fermeture programmée de la maternité 

 

La maternité  de la clinique  de la Pergola a fait l'objet d'une fermeture entraînant l'arrêt en 2006 de l'activité obstétricale de six gynécologues-obstétriciens avec proposition de poursuivre leur activité au CH de Vichy au sein duquel ont été restructurés les services de maternité.Cette  proposition a été refusée par la grande majorité des praticiens.

 

 

Sans entrer dans les détails complexes de la procédure contentieuse, il a été précédemment jugé en première instance que la clinique était à l'origine de la rupture partielle du contrat d'exercice de ces praticiens et une expertise a été ordonnée pour l'évaluation du préjudice au regard des conséquences dommageables de l'arrêt de l'activité d'obstétrique.

 

 

L'un d'entre eux a saisi, par renvoi de la Cour de cassation, la cour d'appel de Limoges, aux fins de voir infirmer le jugement l'ayant précédemment débouté de ses demandes d'indemnité au titre de la rupture partielle de son contrat d'exercice, à savoir une indemnité au titre de la perte de revenus, une indemnité au titre de la perte de chance de valoriser sa patientèle obstétrique ainsi que des dommages intérêts pour préjudice moral.

 

 

Sur la demande d'indemnité pour perte de revenus

 

La Cour retient que le médecin a subi un dommage matériel résultant de la perte de résultats liée la fermeture de la maternité.

 

Etant précisé que son contrat ne prévoyait pas d'indemnité de résiliation, sauf rupture abusive, est retenue par la Cour, pour ce poste de préjudice, l'évaluation de l'expert qui a estimé que la perte de résultat devait être  évaluée sur la base de la moyenne annuelle des résultats nets perçus au cours des trois années ayant précédé la fermeture de la maternité (2003 à 2005) et correspondant à deux années de ce revenu moyen, estimée à 53.970 euros (se référant aux usages pratiqués pour les agents commerciaux) .

 

Il est considéré que la baisse des revenus de l'activité d'obstétrique par suite de la fermeture a été considérable et n' a pas été compensée par les revenus de l'activité de gynécologie que le praticien a continué d'exercer.

 

La perte de revenus réelle et conséquente résultant de la fermeture est estimée entre 36.000 et 49.000 euros.

 

Au final, la cour retient toutefois l'évaluation précitée de l'expert de 53.970 euros. En effet, la cour a tenu compte de la durée des relations contractuelles  avec la clinique (24 ans), du fait que le médecin est âgé de 68 ans à la date de fermeture de la maternité,de l'apport du médecin à l'image de marque de la clinique ainsi que des travaux et la  notoriété du médecin.

 

En revanche, est rejeté l'argumentaire de la cour faisant valoir que le praticien avait commis une faute ayant contribué à la réalisation de son propre dommage susceptible d'exonérer partiellement la clinique, en s'abstenant de rechercher le concours d'un autre établissement ou d'utiliser les plages horaires concédées par l'hôpital public.

 

En effet exerçant à titre libéral dans le cadre d'un contrat d'exercice, la cour considère qu'il était lié à la clientèle personnelle qu'il était susceptible de perdre en délocalisant son activité. Par ailleurs à supposer les plages horaires concédées par l'hôpital public suffisantes pour assurer l'activité des six médecins concernés, le praticien en question qui avait plus de 65 ans à la fermeture de la maternité ne pouvait pas envisager d'exercer son activité dans ce cadre comme praticien hospitalier.

 

 

Sur la demande d'indemnité au titre de la perte de chance de valoriser sa patientèle obstétrique

 

Pour l'évaluation de cette indemnité, l'expert avait proposé 100% de la moyenne annuelle des honoraires d'obstétrique des trois  années ayant précédé la fermeture.

 

Sur le principe de l'indemnité, la cour retient que le praticien qui exerçait en libéral bénéficiait d'un droit de présentation de sa patientèle, peu importe que le contrat d'exercice qui ne porte que sur la mise à disposition de moyens n'ait pas fait mention de ce droit.

 

Toutefois, la cour estime que la perte de chance de valoriser sa clientèle obstétrique n'est pas intégrale dans la mesure où, d'une part  les accouchements ne représentaient qu'une partie de cette activité qu'il a continué d'exercer en dépit de la fermeture de la maternité (la réduction de son activité en obstétrique lui a ouvert la possibilité de développer l'activité de gynécologie de manière à compenser la diminution de sa clientèle en obstétrique), et d'autre part que doit être prise en compte l'intuitu personae qui rend aléatoire la valorisation du droit de présentation de la clientèle.

 

En conséquence le préjudice retenu au titre de la perte de chance de valoriser sa clientèle obstétrique doit être évalué à 30 % de la base d'estimation de l'expert, soit 18.383 euros.

 

On voit ici que l'aléa de valorisation lié à l'intuitu personae et les compensations liées au gain d'activité viennent limiter le montant de la perte de chance.

 

Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice moral

 

La cour estime cette demande injustifiée pour deux  raisons:

 

-en premier lieu, la rupture du contrat d'exercice est partielle, le praticien ayant continué à exercer au sein de la clinique l'activité de gynécologie et les activités d'obstétrique autres que les accouchements

 

-en second lieu, la fermeture de la maternité intervenue en 2006 qui paraît avoir été imposée par les instances étatiques était programmée depuis la fin des années 1990 et avait donné lieu à de nombreuses informations et réunions de telle sorte que les obstétriciens concernés la savaient depuis longtemps inéluctable. Les circonstances de la rupture partielle du contrat n'ont été en rien brutales ou vexatoires.

 

  •  Illustration du principe selon lequel la renonciation au droit de résiliation d'un contrat d'exercice  ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque cette renonciation.

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

De jurisprudence constante, la renonciation au droit de résilier unilatéralement un contrat ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer à cette résiliation.

 

En voici une nouvelle illustration dans un arrêt rendu récemment par la Cour de cassation en matière de résiliation d'un contrat d'exercice libéral conclu entre médecins et cliniques (Cass, 1ère civ, 16 avril 2015, n°13-26365)

 

Dans cet arrêt, il a été considéré par la  Cour de cassation que le fait pour un médecin de poursuivre son exercice après l'expiration du délai de préavis d'usage n'était pas de nature à caractériser un acte manifestant sans équivoque sa volonté  de renoncer à la résiliation du contrat qu'il avait annoncée dans un précédent courrier.

 

Dans cette affaire, un gastro-entérologue, exerçant selon les termes d'un contrat conclu avec une clinique enregistré au CDOM le 29 novembre 2000, puis résilié en décembre 2003, sans que les parties ne mettent fin à leur collaboration ni ne s'accordent sur d'autres modalités, avait  informé celle-ci, par une première lettre recommandée, en date du 7 avril 2010, de son intention de cesser son activité (précisant dans cette lettre qu'il restait à disposition de la clinique pour rediscuter de son départ et des conditions) , et, par une seconde, en date du 27 février 2012, de son départ effectif le 6 avril suivant .

 

Se référant à la seconde lettre comme valant lettre de résiliation, la clinique a estimé que le praticien n'avait pas respecté le préavis d'usage d'un an et que cette résiliation brutale lui avait provoqué un important préjudice dont elle demandait réparation.

 

La cour d'appel d'Agen dont l'arrêt du 16 septembre 2013 (n°12/0911, n°775-13, S c/ M) fait l'objet de la présente cassation, a, pour considérer que le praticien avait manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas le délai de préavis d'usage lors de son départ, retenu que "l'implication du dr ... dans la clinique où il continuait à occuper les fonctions de président de la CME, l'absence d'information sur la date de son départ ou de présentation d'un successeur, a pu laisser croire une fois encore, eu égard au précédent, qu'il n'y aurait pas de suite à cette rupture..."

 

La Cour de cassation considère qu'en statuant ainsi, "(...) alors que la simple poursuite de son activité au-delà du délai d'usage n'était pas de nature à caractériser un acte manifestant sans équivoque la volonté du praticien  de renoncer à la résiliation de son contrat annoncée le 7 avril 2010 (...)'", la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.

 

On voit bien qu'en celà, la juridiction suprême considère que la renonciation à l'exercice du droit de résiliation ne saurait être présumée, notamment à partir de la seule continuation d'activité du médecin et qu'on ne peut raisonner par simples supputations en se fondant sur le comportement antérieur du médecin, qui par le passé n'avait pas donné suite à la résiliation de son précédent contrat d'exercice signé en 2000 .

 

 

  • Sur l'application de la clause de conciliation préalable prévue dans un contrat de mise à disposition de locaux qui a été dénoncé

 

Un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 décembre 2014 (n°12/09470) nous rappelle utilement qu'est maintenue la validité juridique de la clause de conciliation préalable à toute action contentieuse alors même que le contrat de mise à disposition de locaux qui la contient a été dénoncé et que ladite clause est stipulée en cas de différend portant sur l'interprétation ou l'exécution du contrat.

 

Dans cette affaire, une clinique avait conclu avec un praticien un contrat à durée indéterminée par lequel elle lui mettait à disposition des locaux équipés pour exercer son activité de radiologie.

 

La Clinique avait assigné le praticien aux fins de constater la résiliation du contrat et l'occupation des locaux sans droit ni titre, d'ordonner l'expulsion et de le condamner à une indemnité d'occupation et à un rappel de loyers. Le praticien invoquait quant à lui un abus dans l'exercice du droit de résilier et sollicitait en conséquence différentes sommes.

 

Le tribunal ayant partiellement fait droit aux prétentions de la clinique, le praticien a formé appel de ce jugement en soulevant à titre principal l'irrecevabilité de l'action intentée faute pour la clinique d'avoir mis en oeuvre la clause de conciliation préalable.

 

La cour d'appel a rejeté l'argumentaire de la clinique qui prétendait que la clause était inapplicable dans la mesure où le contrat qui unissait les parties était venu à expiration de sorte que le contentieux ne relèverait plus du contrat de mise à disposition mais d'une situation de fait née à l'expiration du contrat.

 

En effet, la cour d'appel relève qu'il "(...) n'est pas contesté que le litige porte sur l'exécution du contrat, notamment le montant, le rappel des loyers et sur la validité de la dénonciation (..)"

 

Elle rappelle que "La clause contractuelle, qui impose aux parties préalablement à toute action contentieuse de soumettre leur différend à des conciliateurs, constitue une fin de non recevoir qui s'impose au juge conformément aux dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, en toutes circonstances " et considère que "...la circonstance que le contrat serait expiré n' a pas pour effet de priver d'efficacité juridique cette fin de non-recevoir...".

 

En application de l'article 122 précité, la clinique étant dépourvue du droit d'agir, la cour d'appel infirme le jugement.

 

Cette jurisprudence réaffirme toute la force obligatoire des clauses de conciliation préalable au niveau procédural, clauses qui ne peuvent être vidées de leur substance et dont le non respect est sanctionné par une irrecevabilité de la requête.

 

En tout état de cause, même lorsque les parties n'ont pas prévu une clause contractuelle de conciliation, le code de procédure civile vise, depuis l'entrée en vigueur du décret  2015-282 du 11  mars 2015 au 1er avril 2015, à favoriser le règlement amiable des litiges.

 

En effet, le code de procédure civile prévoit désormais que ".Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise (...) les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige...".

 

Le code de procédure civile prévoit que " S'il n'est pas justifié, lors de l'introduction de l'instance (...)des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.»

 

Il convient toutefois de préciser que ces nouvelles dispositions dès lors qu'elles ne sont pas sanctionnées par la nullité sont purement incitatives.

 

  • En cas d'absence d'indivisibilité entre l'appartenance à la SCM et la convention d'exercice en commun, la cession des parts de SCM n'entraîne pas la caducité de la convention d'exercice en commun...

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

C'est ce qu'a considéré la 1ère chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt récent du 4 février 2015.

 

Dans cette affaire, trois infirmières associées d'une SCM étaient également liées par une convention d'exercice en commun comportant une clause de non-réinstallation. Elles ont cédé  leurs parts dans la SCM, pour installer leur cabinet dans un autre local de la même ville, où elles ont continué d'exercer. L'une d'elles qui a décidé de s'installer à son compte personnel a été  assignée par les deux autres en réparation du préjudice causé par la violation de la clause de non-réinstallation. La défenderesse fait valoir que ladite clause est devenue caduque avec la convention d'exercice  en commun, car elle estimait que celle-ci était indivisible avec la SCM dont elles avaient cédé toutes les parts.

 

La Cour de cassation confirme l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux qui, faisant application de son pouvoir souverain d'appréciation, a retenu l'absence d'indivisibilité entre l'appartenance à la SCM et la convention d'exercice en commun aux motifs que « les deux conventions avaient un objet différent, que celle(...), visant à organiser l'exercice de l'activité professionnelle de chacune des infirmières au sein du cabinet, n'était pas subordonnée à la détention de parts sociales dans la société, [...] et soulignant par ailleurs que les trois associées n'avaient pas cessé d'exercer leur activité en commun dans un autre local après avoir cédé leurs parts, en a exactement déduit que la cession de parts n'avait pas entraîné la caducité de la convention litigieuse, demeurée nécessaire à l'exercice de cette activité.

 

Auparavant, dans un arrêt du 15 novembre 1994, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation avait considéré qu'avait légalement justifié sa décision une cour d'appel qui avait condamné deux coassociés à verser à un confrère retrayant une indemnité en exécution de la convention d'exercice professionnel en commun, dès lors qu'elle relevait que "...le contrat d'exercice professionnel en commun était le complément nécessaire et indissociable de la SCM , en ce qu'il prévoyait les modalités d'exercice de l'activité des médecins et leurs rapports professionnels", et retenu que les cessionnaires des parts de la SCM avaient exécuté pendant plusieurs années la convention d'exercice professionnel.

 

Il apparaît donc à la lecture de ces arrêts que l'indivisibilité entre une SCM et une  convention d'exercice en commun n'est pas automatique mais doit être conventionnellement prévue.

 

C'est ainsi qu'un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 25 avril 2002 avait considéré que "(...) c'est vainement que l'appelant soutient que les deux contrats d'exercice en commun et Société Civile de Moyens étaient indivisibles alors que ces deux contrats n'ont pas la même finalité et que leur complémentarité est purement facultative..."

 

En l'absence de dispositions claires sur l'indivisibilité des conventions, il relève du pouvoir des juges du fond d'apprécier souverainement son existence en recherchant l'intention commune des parties contractantes.

 

  • Des précisions sur le point de départ du délai de préavis en cas de résiliation d'un contrat d'exercice d'un médecin

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

Un arrêt de la Cour d'appel de Chambéry, ch civile 1ère section du 24 juin 2014 (RG: 13/01259) opère une mise au point s'agissant du point de départ du délai de préavis en matière de rupture du contrat d'exercice conclu entre une clinique et un médecin.

 

Dans cette affaire, un  gastro-entérologue, exerçait son activité au sein d'une clinique avec laquelle il était lié par un contrat d'exercice oral.

 

Dans le cadre d'un projet de restructuration de cette clinique avec d'autres établissements du même groupe, ladite clinique a, par courrier du 3 mars 2010, informé le praticien qu'elle mettait fin au contrat les liant, à effet d'une date comprise entre le 1er septembre et le 31 décembre 2010, qu'elle a précisée par un courrier du 16 mars 2010 en la fixant au 6 septembre 2010.

 

Le praticien faisait valoir que le point de départ du délai de préavis courait à compter du courrier du 3 mars 2010 l'informant de la rupture;

 

La cour d'appel considère que "(...) c'est en vain que  la clinique soutient que le délai de préavis devrait débuter le 22 septembre 2009, date d'une réunion plénière de la CME, au cours de laquelle M. B aurait été informé que l'activité de gastro-entérologie serait supprimée. Le préavis ne débute en effet pas à la date à laquelle le cocontractant a connaissance du risque de rupture de son contrat par l'annonce de la survenance d'un événement qui sera ultérieurement invoqué pour la fonder, mais du jour où la décision de rupture de son contrat lui est notifiée.(...) "

 

Et la cour d'appel de préciser que "D'ailleurs, lors de la réunion du 22 septembre 2009, la CME a été informée du projet dit alternatif de restructuration de la clinique H, mais aucune échéance n'a été fixée pour sa mise en oeuvre, ce d'autant que ce projet restait à préciser, ainsi que cela a été écrit par la clinique dans son courrier du 6 octobre 2009 à l'ensemble des praticiens de l'établissement ...."

 

En conséquence une indemnité est due conformément aux usages au titre des 18 mois de préavis dont le praticien n'a pas pu bénéficier, seuls 6 mois s'étant écoulés entre la date de notification de la rupture et le dernier jour d'exercice au sein de la clinique.

 

 

  • Quand le contrat de remplacement en exercice libéral est requalifié en contrat de travail...

 

Par Anne-Cécile lemoigne 

 

L'exécution d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

 

C'est ainsi qu'un contrat d'exercice libéral conclu par un médecin et une clinique ou un contrat de remplacement en exercice libéral est susceptible de requalification en contrat de travail dès lors qu'est établi un lien de subordination entre les parties.

 

De jurisprudence constante, ce dernier est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements.

 

Un arrêt récent de la Cour de cassation du 29 janvier 2014 nous fournit encore une illustration de cette requalification s'agissant d'un médecin remplaçant.

 

Ainsi, dans cet arrêt, un médecin anesthésiste remplaçant qui prétendait avoir travaillé à l'égard de plusieurs médecins dans le cadre d'un lien de subordination , avait saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification des contrats de remplacement en exercice libéral en contrats de travail par employeurs conjoints, la résolution judiciaire du contrat et le paiement d'indemnités.

 

La cour d'appel avait fait droit à ses demandes, en procédant à la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail et avait condamné solidairement les SELARL et médecins employeurs à diverses indemnités et dommages intérêts pour rupture brutale et vexatoire.

 

La Cour de cassation a confirmé l'arrêt de cour d'appel qui (procédant par la technique classique du faisceau d'indices pour déterminer si le lien de subordination était caractérisé) avait constaté, comme le relève la juridiction suprême, que le médecin:

 

- "...ne disposait pas de la liberté d'organiser ses interventions directement en fonction des sujétions résultant de l'organisation de la clinique, mais recevait des consignes de la part des quatre médecins  qu'elle remplaçait, lesquels lui imposaient les plannings et l'affectaient à telle ou telle vacation..."

 

-"..ne disposait pas de la possibilité de se constituer une clientèle propre..."

 

-"...devait remplir les dossiers administratifs des clients pour le compte des médecins..." (la cour d'appel avait ainsi retenu que les médecins exerçaient un pouvoir de contrôle et de direction sur la gestion administrative des dossiers en lui reprochant des codifications erronées).

 

-et que la prétendue liberté dont le médecin disposait de fixer le dépassement d'honoraires (et qui déterminait l'assiette sur laquelle était assise sa rémunération complémentaire variable qui s'ajoutait à ses vacations de remplacement) "...était en lien avec le choix du secteur du titulaire pour le compte duquel le médecin intervenait et qui conservait une partie importante des dépassements...". Le médecin ne touchait en effet que 10% de ces dépassements.

 

  • Cour de Cassation, Civ.1ère, 10 juillet 2013, Pourvoi n°11-25232 (legifrance.gouv)

Des chirurgiens spécialisés en chirurgie esthétique et réparatrice exerçaient leur activité libérale au sein d'un établissement en vertu d'un contrat d'exercice verbal à durée indéterminée.

 

L'établissement avait un projet de regroupement avec un établissement voisin qui n'entendait reprendre que l'activité de chirurgie réparatrice à l'exclusion de l'activité de chirurgie plastique, ce dont la CME du premier établissement avait été dûment informée.

 

Suite à la constatation d'anomalies par l'autorité de tutelle, l'activité de chirurgie plastique avait été suspendue avant même que ne se réalise le regroupement envisagé.

 

Dans ces circonstances, l'établissement n'avait pas déposé, comme il aurait du le faire, une demande de renouvellement de son autorisation d'activité de chirurgie plastique dont le terme était fixé au 12 janvier 2006 et avait informé les chirurgiens, quelques jours avant ce terme, de la cessation de leur activité de chirurgie plastique à cette dernière date.

 

Les chirurgiens l'ont alors assigné en rupture abusive de leurs contrats.

 

Comme le montre l'arrêt de la Cour de Cassation, les opérations de restructuration menées par les établissements ne les exonèrent pas du repsect des contrats qu'ils ont conclus avec leurs médecins libéraux.

 

Après avoir constaté qu'il revenait à l'établissement de déposer une demande de renouvellement de son autorisation d'activité de chirurgie plastique, et faute pour lui de l'avoir fait, la Cour de Cassation confirme qu'il est bien le responsable de la rupture contractuelle.

 

Le fait pour les médecins d'avoir eu la connaissance préalable du projet de restructuration, notamment au travers de l'information faite à la CME, et donc de la cessation de leur activité de chirurgie plastique, laquelle n'était pas transferée, n'exonère pas l'établissement de rompre les contrats dans les formes contractuellement prévues, ici celles déterminées par la jurisprudence rendue en matière de résiliation des contrats d'exercice verbaux.

 

L'établissement aurait donc du respecter les préavis d'usage ce qu'il n'a pas fait.

 

Il en a résulté un préjudice pour les médecins que la Cour d'Appel a circonscrit à la seule activité de chirurgie plastique estimant, en opérant ici une distinction quant aux activités objet des contrats, que les chirurgiens auraient pu en revanche poursuivre leur activité de chirurgie réparatrice jusqu'au regroupement.

 

L'évaluation du préjudice est classiquement fondée sur la perte d'honoraires qu'auraient pu percevoir les médecins si le préavis avait été respecté, la Cour d'Appel refusant de prendre en compte les honoraires que les médecins avaient perçus du fait d'une activité retrouvée sur un autre site.

 

La Cour de Cassation ne confirme que partiellement cette analyse puisqu'elle estime que la lettre du 6 janvier 2006 emportait la résiliation des contrats sur l'ensemble des activités concernées.

SL

 

 
  • Cour de Cassation, Civ.1ère,16 octobre 2013, Pourvoi n°12-27574 (legifrance.gouv)

Une clinique ferme sa maternité dans le cadre d'une opération de restructuration de l'offre de soins avec le centre hospitalier de la ville.

 

Elle est assignée par ses anesthésistes réanimateurs en réparation des préjudices subis du fait de cette fermeture, à savoir la perte de leur chiffre d'affaires sur ce segment d'activité.

 

Deux intérêts à s'attarder sur cette décision.

 

En premier lieu, nous avons ici la confirmation qu'une clinique ne peut exciper de la force majeure lorsqu'elle anticipe la fermeture d'un service, souhaitée par le SROS, en s'inscrivant dans une opération de restructuration avec l'autre acteur sanitaire local.

 

Le schéma a un pouvoir contraignant indubitable sur l'établissement de santé mais tant que celui-ci ne s'est pas vu retirer son autorisation ou opposer un refus de renouvellement fondé sur le SROS, il ne peut utilement évoquer la force majeure pour en contrer les incidences sur les contrats qui le lient aux médecins concernés par l'opération de restructuration sauf à ce que ces contrats aient expressément prévu ce cas de figure.

 

En second lieu, la Cour d'Appel avait considéré que la fermeture de la maternité avait substantiellement modifié les conditions d'exercice des anesthésistes réanimateurs qui avaient dû réorganiser leur activité même s'il n'y avait pas eu une perte importante de leur chiffre d'affaires qu'ils avaient réussi à compenser. De fait, la Cour d'Appel avait alloué à chacun des médecins une indemnité dont elle avait défini forfaitairement le montant.

 

La Cour de Cassation considère quant à elle qu'aucune indemnisation n'est due car les contrats ne garantissaient pas expressément aux anesthésistes réanimateurs une activité liée à la pratique de l'obstétrique.

SL