MAISONS DE SANTE-CENTRES DE SANTE ET POLES DE SANTE

 

  • Conformité à la Constitution des dispositions légales interdisant la publicité pour les centres de santé (article mis à jour le 16 mai 2023)

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

Les centres de santé sont légalement définies comme étant « (…)des structures sanitaires de proximité, qui ont pour mission de dispenser des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins.(…) ».

 

Par une décision n°2022-998 QPC du 3 juin 2022, le Conseil constitutionnel a considéré que sont conformes à la Constitution les dispositions du 2ème alinéa de l’article L.6323-1-9 du CSP issues de l’ordonnance n°2018-17 du 12 janvier 2018 qui interdisent toute forme de publicité en faveur des centres de santé.

 

Le Conseil constitutionnel avait en effet été saisi par la Cour de cassation (1ère ch civile, arrêt n°431 du 13 avril 2022) d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la conformité à la Constitution des dispositions précitées.

 

L’association requérante soutenait que « (…) ces dispositions, en interdisant toute forme de publicité en faveur des seuls centres de santé, institueraient une différence de traitement injustifiée entre ceux-ci et les professionnels de santé (…) »

 

L’association faisait valoir en outre « (…) que le caractère général et absolu de cette interdiction porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ».

 

Le Conseil constitutionnel a considéré en premier lieu que les dispositions contestées introduisaient une différence de traitement avec les professionnels de santé qui ne sont pas soumis à l’interdiction de toute forme de publicité.

 

Rappelons en effet que six décrets du 22 décembre 2020 sont venus modifier les codes de déontologie des professions de santé suivantes (médecin, chirurgien-dentiste, pédicures-podologue, infirmier, sage-femme et masseurs-kinésithérapeute) de manière à supprimer l’interdiction de la publicité et à  assouplir et préciser les règles désormais applicables en matière d’information et de publicité.

 

Il revenait alors au Conseil constitutionnel d’apprécier, conformément à sa jurisprudence constante, d’une part, si cette interdiction de recourir à la publicité était justifiée par une différence de situation ou un objectif d’intérêt général et, d’autre part, si la différence de traitement qui en résultait était en rapport direct avec l’objet de la loi.

 

Le Conseil a d’abord rappelé que « Les centres de santé sont ouverts à toutes les personnes sollicitant une prise en charge médicale relevant de la compétence des professionnels qui y exercent » et qu’« Ils pratiquent le mécanisme du tiers payant et ne facturent pas de dépassements d’honoraires ».

 

Il a ensuite relevé qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur avait «(…) entendu éviter que ces centres, qui peuvent être créés et gérés notamment par des organismes à but lucratif, ne mettent en avant ces conditions de prise en charge pour développer une pratique intensive de soins contraire à leur mission et de nature à porter atteinte à la qualité des soins dispensés » Il a jugé que législateur avait « …ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ».

 

Puis, il a estimé que « Dans la mesure où l’interdiction de la publicité en faveur des centres de santé contribue à prévenir une telle pratique, la différence de traitement critiquée par l’association requérante est en rapport avec l’objet de la loi ». Il a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi

 

Les dispositions contestées ne méconnaissant pas non plus la liberté d’entreprendre, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

 

Par conséquent, le Conseil constitutionnel déclare que le second alinéa de l’article L6323-1-9 du  CSP, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé, est conforme à la Constitution.

 

Un arrêt récent rendu par la Cour de cassation (Cass,1ère ch civile, 8 mars 2023 , n°2123.234), s'agissant de la publicité, réalisée par une association gestionnaire de centre de santé dentaire, sur les actes prothétiques est fondée sur cette décision QPCdu Conseil constitutionnel du 3 juin 2022 .

 

En effet, après avoir rappelé les termes de la décision du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation considère que "...c'est à bon droit que se fondant sur la mission confiée aux centres de santé par l'article L.6323-1-9 du code de la santé publique de dispenser des soins de premier recours et, le cas échéant , des soins de second recours, incluant les actes prothétiques" que "...la cour d'appel a retenu que, bien qu'autorisée à pratiquer des soins de second recours, l'association ne pouvant, sans commettre de concurrence déloyale, recourir délibérément à une publicité à caractère commercial centrée sur ces actes et constituant la partie la plus rémunératrice de la pratique dentaire...".

 

En d'autres termes, par le biais de cette publicité sur les actes prothétiques, il y avait bien en l'espèce "...risque de développement d'une pratique intensive de soins contraire à leur mission et de nature à porter atteinte à la qualité des soins.."que le législateur poursuivant un "motif d'intéret général" a entendu éviter par  l'interdiction de la publicité, ainsi que le mentionne le conseil constitutionnel , la mission première des centres de santé étant d'assurer des soins de premier recours, ainsi que le prévoit l'article L.6323-1 du CSP (et non l'article L.6323-1-9 du CSP comme le mentionne de manière  erronée la Cour de cassation).

 

Rappelons à toutes fins utiles que si toute forme de publicité pour les centres de santé est interdite par le second alinéa de l’article L.6323-1-9 du CSP, le premier alinéa de ce même article leur impose en revanche une obligation d’information en ces termes « L'identification du lieu de soins à l'extérieur des centres de santé et l'information du public sur les activités et les actions de santé publique ou sociales mises en oeuvre, sur les modalités et les conditions d'accès aux soins ainsi que sur le statut du gestionnaire sont assurées par les centres de santé." 

 

 

 

 

 

  • Publication par l'Ordre national des médecins de l'atlas 2018 de la démographie médicale  et premières mesures visant à remédier aux tensions en termes d'accès aux soins médicaux

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

I. L'Atlas 2018 de la démographie médicale publié par le CNOM début décembre souligne :

 

-une baisse continue du nombre de médecins en activité régulière depuis 2010 (-10 %) et une légère baisse entre 2017 et 2018 (-0, 1 %);

 

-le vieillissement de la population médicale (près d'1/4 des médecins en activité régulière ont plus de 60 ans et sa féminisation; 47 % sont des femmes et 11 départements comportent plus de 50 % de femmes;

 

- une insuffisance du renouvellement générationnel (0,85 pour les médecins généralistes et 0.95 pour les spécialistes chirurgicaux), seules les spécialités médicales connaissent un renouvellement réel (avec un rapport de 1,21) ainsi que des inégalités selon les spécialités en termes de renouvellement;

 

-la baisse de la proportion de médecins exerçant en exercice libéral exclusif depuis 2010 : ils représentent actuellement 42,57 % des effectifs médicaux en activité régulière et accusent une baisse de 10,87 % depuis 2010;

 

-l'importante progression du mode d'exercice salarié dans la population médicale : ce mode d'exercice représente 47.13 % des actifs réguliers et a augmenté de 1.12% depuis 2017 et 9.68% depuis 2010;;

 

-et parallèlement la relative stabilité de l'exercice mixte (libéral/salarié, ou libéral/salarié/hospitalier ou libéral/hospitalier) qui  enregistre une baisse de 0,37 % depuis 2017 et de 9,3 % depuis 2010 et représente, en  2018, 10,68 % des médecins en activité régulière .

 

L'atlas met également en exergue :

 

 - la forte augmentation de l'activité intermittente.(essentiellement représentée par celle des médecins remplaçants) qui a augmenté de 22.7% depuis 2010 et de 7.2% depuis 2017.

 

- de manière générale en termes de densité médicale, le constat d' un creusement des inégalités entre départements au détriment des départements les moins bien pourvus entre 2017 et 2018, quel que soit le mode d'exercice (libéral, salarié, mixte); à ce titre il est constaté que les départements à faible densité médicale "...cumulent souvent les fragilités : population générale plus âgée, desserte de services publics moins bonne , couverture numérique plus aléatoire,.... ».

 

II.Il convient de relever que  des mesures issues de la  stratégie "Ma Santé 2022" tentent, sinon de remédier, du moins de pallier aux tensions  en termes d'accès aux soins créées par la démographie médicale actuelle

 

Certaines d'entre elles  sont d'ores et déjà introduites dans la loi n°2018-1203 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 publiée le mois dernier 

 

Il en est ainsi  par exemple de:

 

  • la création de la fonction d'assistant médical pour libérer du temps médical: l'article  42 de la LFSS prévoit que des négociations conventionnelles doivent être engagées par le directeur général de l'UNCAM  dans un délai d'un  mois à compter de la promulgation de la loi afin de déterminer les mesures visant à inciter au recrutement de personnels salariés ayant vocation à assister les médecins exerçant dans le cadre d'un exercice coordonné dans leur pratique quotidienne; 

 

  • les mesures visant au déploiement sur l'ensemble du territoire des communautés professionnelles territoriales de santé(CPTS) (1) : l'article 42 de la LFSS précité prévoit que ces mesures doivent être fixées par un accord interprofessionnel dans le cadre de négociations conventionnelles devant être engagées par le DG de l'UNCAM dans un délai d'un mois à compter de la promulgation de la loi; 

 

 

Ce nouveau régime pour les professionnels médicaux conventionnés, prévu par le plan territorial d'accès aux soins d'octobre 2017, est inspiré du régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC) et permettra de simplifier la déclaration et le paiement des cotisations sociales des médecins salariés exerçant une activité de remplacement libéral à titre secondaire et dont les revenus issus de l'activité de remplacement n’excèdent pas un plafond qui sera fixé par décret .

 

Selon l'exposé des motifs du projet de loi initial, le plafond devrait correspondre à "environ 19.000 € brut par an, soit environ 7 à 8 semaines de remplacement

 

Ce régime simplifié doit permettre selon le projet de loi précité "...de favoriser les remplacements notamment dans les zones sous-denses et contribuera ainsi au renforcement de l’accès aux soins dans les territoires. Elle permettra également aux étudiants de 3e cycle de se familiariser avec l’exercice en médecine de ville et de renforcer l’attractivité de l’exercice mixte (salarié / libéral)."

 

 III. Par ailleurs, le champ des expérimentations du dispositif dérogatoire pour l'innovation du système de santé  prévu par l'article 51 de la LFSS pour 2018 est étendu

 

L'article 51 de la précédente loi de financement de la sécurité sociale a créé un dispositif, dérogatoire à certaines dispositions légales,  permettant d'expérimenter des modes d'organisation et de financement nouveaux.

 

Ces expérimentations visent notamment à "Permettre l'émergence d'organisations innovantes dans les secteurs sanitaire et médico-social concourant à l'amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l'efficience du système de santé et de l'accès aux soins"

 

L'article 39 de la LFSS pour 2019 étend le champ des expérimentations en permettant , dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés d'accès aux soins :

 

-par dérogation aux dispositions des articles L.6154-2 et L.6154-3 du CSP,  à des praticiens hospitaliers qui le souhaitent, d’exercer leur activité libérale sans dépassement d'honoraires et « hors les murs », dans le cadre d’une activité mixte ville / hôpital ,

 

-par dérogation à l'article L.6323-1-5 du CSP, à des praticiens d'exercer une activité libérale dans un centre de santé, les honoraires étant reversés au praticien par le centre de santé après déduction des frais de fonctionnement du centre liés à la prestation

 

(1) les CPTS qui constituent un mode d'exercice coordonné ont été instaurées par la loi de modernisation de notre système de santé; elles  peuvent être constituées entre les divers acteurs de santé du premier et deuxième recours d'un territoire pour assurer certaines fonctions essentielles comme l'organisation de plages de soins non programmées ou la création de consultations avancées)