SERVICE PUBLIC HOSPITALIER

 

  • Service public hospitalier : le décret d'application est paru

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

L'article 99 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a réintroduit la notion de service public hospitalier, en remplacement des missions de service public (voir notre précédent article sur le service public hospitalier ).

 

Pris en application de l'article 99 précité (codifié aux articles L.6112-1 et suivants du CSP), le décret n°2016-1505 du 8 novembre 2016, paru en début de mois, fixe les modalités de mise en oeuvre du service public hospitalier.

 

Ce décret définit la procédure d'habilitation au service public hospitalier des établissements de santé privé (procédure d'habilitation sur demande et procédure d'habilitation de plein droit).

 

Par ailleurs, il vient préciser certaines obligations du service public hospitalier.

 

Il détaille également la procédure de sanction en cas de manquement aux obligations du service public hospitalier.

 

Enfin  il prévoit le cadre dans lequel les établissements de santé assurant une activité de médecine d'urgence sont associés au service public hospitalier. 

 

1)La procédure d'habilitation sur demande des établissements de santé privés à assurer le   service public hospitalier

 

Les établissements de santé privés, lorsqu'ils ne sont pas qualifiés d'ESPIC, doivent préalablement solliciter l'avis de la Conférence médicale d'établissement.

 

La demande d'habilitation est ensuite adressée par l’établissement de santé par tout moyen au directeur général de l’ARS .

 

La demande doit être accompagnée d’un dossier justificatif complet comportant les informations relatives au statut de l’établissement, à ses modalités d’organisation et de fonctionnement permettant de satisfaire aux obligations prévues pour les établissements assurant le service public hospitalier mentionnées à l'article L.6112-2, ainsi que pour les établissements de santé privés précités l’avis de la conférence médicale d’établissement.

 

Il convient d'indiquer que le contenu du dossier justificatif doit être précisé par un arrêté du ministre chargé de la santé à venir. Il indique la date à laquelle l'établissement est en mesure de garantir le respect des obligations de service public hospitalier évoquées ci-avant.

 

Le Directeur de l’ARS dispose ensuite d’un délai de quatre mois, à compter du jour de la réception du dossier complet, pour notifier sa décision.

 

La décision d'habilitation, prise par le DG de l'ARS, fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région.

 

Un avenant au CPOM doit être  conclu entre le DG de l'ARS et l’établissement de santé dans un délai maximum de six mois à compter de la notification de la décision d’habilitation.

 

L'habilitation peut être retirée pour manquement aux obligations du service public hospitalier

 

Les établissements de santé privés ont toujours  la possibilité de mettre fin à l'habilitation en respectant un préavis de 6 mois qui commence à courir à compter de la réception par le DG de l'ARS de la décision de ne plus assurer le service public hospitalier

 

 

2) L'habilitation de plein droit (sauf opposition) des établissements de santé privé qualifiés d'ESPIC sous l'empire de l'ancienne loi

 

Les établissements de santé privés qualifiés d'ESPIC sous l'empire de l'ancienne loi sont, en application du dernier alinéa de  l'article L.6112-3 du CSP, habilités, de plein droit, à assurer le service public hospitalier, sauf opposition de leur part.

 

A ce propos le décret précise, à l'article 2, que les établissements de santé qui n'entendent pas être habilités à assurer le service public hospitalier font connaître au DG de l'ARS dont ils relèvent, avant le 30 novembre 2016, leur opposition à leur inscription de plein droit sur la liste des établissements habilités.

 

Le DG de l'ARS publie, avant le 1er janvier 2017, au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région, la liste des ESPIC habilités de plein droit à assurer le service public hospitalier

 

Un avenant au CPOM est, si besoin, conclu entre le DG de l'ARS et l'établissement dans un délai maximum de six mois à compter de la publication de la liste susmentionnée

                                                         

Tout comme les établissements de santé privé habilités sur demande, les établissements de santé privés habilités de plein droit peuvent mettre fin à cette habilitation ou de se la voir retirer pour non respect des obligations de service public hospitalier.

 

 

3) Le décret précise certaines obligations du service public hospitalier

 

  • La participation des représentants des usagers à la gouvernance de l'établissement de santé habilité à assurer le service public hospitalier

 

En plus de l'adaptation, de l'égalité, de la continuité des soins et du non dépassement d'honoraires que l'établissement de santé assurant le service public doit garantir, l'article L.6112-2 lui impose également de garantir la participation des représentants des usagers du système de santé à la gouvernance dudit établissement

 

Le décret prévoit ainsi que le représentant légal de l'établissement de santé met en conformité ses statuts afin de désigner, parmi les membres des associations agréées deux représentants des usagers et leurs suppléants pour siéger, avec voix consultative, selon le cas, au conseil d'administration, au conseil de surveillance ou dans l'organe en tenant lieu.

 

Le représentant légal de l'établissement sollicite l'avis des représentants des usagers sur les documents relatifs à la stratégie et à la gestion de l'établissement, notamment sur les documents concernant la politique médicale et institutionnelle de l'établissement, son activité et son financement. La liste de ces documents est précisée par arrêté du ministre chargé de la santé

 

  • Les établissements de santé assurant le service public hospitalier mettent également en œuvre un certain nombre d'actions que le décret vient préciser

 

L'article L.6112-2 prévoit au III que les établissements de santé assurant le service public hospitalier mettent aussi en oeuvre les actions suivantes :

 

-1°) Ils peuvent être désignés par le DG de l'ARS pour participer aux communautés professionnelles territoriales de santé mentionnées à l'article L. 1434-12 ; 

 

-2°) Ils peuvent être désignés par le DG de l'ARS en cas de carence de l'offre de services de santé, constatée dans les conditions fixées au III de l'article L. 1434-10 (dans le cadre du diagnostic territorial partagé) ou, dans le cadre du projet régional de santé, pour développer des actions permettant de répondre aux besoins de santé de la population ; 

 

-3° Ils développent, à la demande de l'ARS et, pour les établissements de santé privés, après avis des commissions et conférences médicales d'établissement, des actions de coopération avec d'autres établissements de santé, établissements médico-sociaux et établissements sociaux ainsi qu'avec les professionnels de santé libéraux, les centres de santé et les maisons de santé ; 

 

-4°) Ils informent l'ARS de tout projet de cessation ou de modification de leurs activités de soins susceptible de restreindre l'offre de services de santé et recherchent avec l'agence les évolutions et les coopérations possibles avec d'autres acteurs de santé pour répondre aux besoins de santé de la population couverts par ces activités ; 

 

-5°) Ils développent des actions en matière de santé visant à améliorer l'accès et la continuité des soins.

 

 

Concernant ces actions, l'article R.6112-5, issu du décret du 8 novembre 2016, précise que :

 

-lorsqu'un établissement est désigné par le DG de l'ARS pour réaliser l'une des trois premières actions précitées , son CPOM  fait l'objet d'un avenant afin de préciser l'action attendue et les modalités de sa mise en œuvre. 

 

-en application du 4° du III de l'article L. 6112-2 précité, l'établissement communique à l'ARS son projet de cessation ou de modification de ses activités de soins susceptible de restreindre l'offre de services de santé au plus tard six mois avant sa réalisation. L'agence, en lien avec l'établissement concerné, met en œuvre les mesures permettant de garantir le maintien d'une réponse aux besoins de santé de la population.

 

 

4) La procédure de sanction en cas de manquements aux obligations du service public hospitalier 

 

Le décret détaille le déroulement de la procédure de sanctions engagée lorsque le directeur général de l'ARS constate un manquement délibéré ou persistant aux obligations du service public hospitalier (article R.6112-6)

 

À l'issue d'une procédure contradictoire, celle-ci peut déboucher sur une pénalité financière ou, sur une décision de retrait de l'habilitation pour les établissements de santé privés.

 

Dans ce cas, une nouvelle demande ne peut être déposée avant l'expiration d'un délai qui ne peut être inférieur à un an. Toutefois, aucune sanction ne peut être prononcée plus de deux ans après la constatation d'un manquement.

 

 

5) La définition du cadre dans lequel les établissements de santé assurant une activité de médecine d'urgence sont associés au service public hospitalier

 

L'article L.6112-5  dispose que les établissements de santé privés autres que ceux habilités à assurer le service public hospitalier  mais qui sont autorisés à exercer une activité de soins prenant en charge des patients en situation d'urgence (activité de médecine d'urgence comme le précise le décret) sont associés au service public hospitalier.

 

Le décret (article R.6112-7) prévoit qu'un avenant à leur CPOM précise les modalités de coordination avec les autres établissements de santé du territoire:

 

- d'une part pour les cas d'orientation vers la consultation d'un autre établissement de santé et les cas de transfert  en liaison avec le SAMU vers un autre établissement de santé apte à le prendre en charge

 

- et, d'autre part, dans le cadre des réseaux de prise en charge des urgences

 

 

Comme nous l'avons indiqué précédemment, il relève désormais du DG de l'ARS de publier, avant le 1er janvier 2017, la liste des ESPIC habilités de plein droit à assurer le service public hospitalier.

 

Nous sommes également dans l'attente des arrêtés ministériels fixant respectivement le contenu du dossier justificatif de demande d'habilitation et les documents sur lesquels l'avis des représentants des usagers doit être sollicité.

 

  • La loi de modernisation de notre système de santé réintroduit le service public hospitalier dans le Code de la santé publique

 

Par Anne-Cécile Lemoigne

 

Comme le prévoyaient le pacte de confiance pour l'hôpital et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, l'article 99 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 réintroduit le service public hospitalier dans le Code de la santé publique.

 

Rappelons que le service public hospitalier avait été initialement instauré par la loi du 31 décembre 1970 et reposait sur un critère organique puisqu'il était assuré par les hôpitaux publics et dans certaines conditions par les établissements de santé privés (participant au service public ou concessionnaires).

 

La loi HSPT avait remplacé cette notion par l'énumération de 14 missions spécifiques de service public, lesquelles pouvaient être assurées en tout ou partie par les établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés.

 

Elle prévoyait en outre que puissent être confiées des missions de service public à d'autres personnes morales ou physiques en fonction des besoins à couvrir par territoire de santé  appréciés par le SROS (notamment les GCS, maisons de santé, centres de santé, pôles de santé, ou autres personnes titulaires d'une autorisation d'équipement matériel lourd  ainsi que les praticiens exerçant dans ces établissements ou structures ).

 

Le cadre légal, tel qu'issu de la nouvelle loi du 26 janvier 2016, n'est cependant pas un retour pur et simple au cadre antérieur à la loi HPST.

 

Il convient de relever notamment un rapprochement entre les missions relevant du service public hospitalier et celles dévolues à titre obligatoire ou optionnel aux établissements de santé.

 

L'article L 6112-1, dans sa rédaction issue de la nouvelle loi, définit le service public hospitalier en ces termes "Le service public hospitalier exerce l'ensemble des missions dévolues aux établissements de santé par le chapitre Ier du présent titre ainsi que l'aide médicale urgente, dans le respect des principes d'égalité d'accès et de prise en charge, de continuité, d'adaptation et de neutralité et conformément aux obligations définies à l'article L. 6112-2."

 

Les missions de formation, d'enseignement universitaire et post-universitaire, de recherche et et de développement professionnel continu des professionnels de santé et du personnel paramédical et de permanence des soins qui étaient , dans le cadre de la loi HPST, des missions spécifiques de service public font désormais partie des missions facultatives pouvant être exercées par les établissements de santé.

 

Conformément au nouvel article L.6112-2 du CSP un certain nombre de garanties sont assurées à toute personne recourant aux services des établissements de santé assurant le service public hospitalier et des professionnels de santé qui exercent en leur sein:

 

-un accueil adapté, notamment en cas de handicap ou de précarité sociale, et un délai de prise en charge en rapport avec son état de santé ;

 

-la permanence de l'accueil et de la prise en charge, (la continuité des soins) notamment dans le cadre de la permanence des soins organisée par l'ARS compétente, ou, à défaut, la prise en charge par un autre établissement de santé ou par une autre structure en mesure de dispenser les soins nécessaires ;

 

-l'égal accès à des activités de prévention et des soins de qualité ; 

 

-l'absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l'autorité administrative et des tarifs des honoraires conventionnels

 

le patient bénéficie de ces garanties y compris lorsqu'il est transféré temporairement dans un autre établissement de santé ou dans une autre structure pour des actes médicaux. 

 

-la participation des représentants des usagers du système de santé. 

 

Ces garanties étaient déjà reconnues pour l'essentiel dans le cadre de l'ancien dispositif des missions de service public institué par la loi HPST (ancien article L.6112-3i);

 

Il résulte des dispositions de l''article L.6112-3  que  le  service public hospitalier sera assuré par :

 

-les établissements publics de santé ;

 

-les hôpitaux des armées ;

 

-les établissements de santé anciennement qualifiés d'établissements de santé privés d'intérêt collectif avant la nouvelle loi (lesquels sont habilités de plein droit à assurer le service public hospitalier, sauf opposition de leur part )

 

-les établissements de santé privés habilités à assurer le service public hospitalier et qualifiés d'établissements de santé privés d'intérêt collectif au sens de l'article L.6161-5 nouveau

 

-les autres établissements de santé privés habilités, après avis favorable conforme de la CME, à assurer le service public hospitalier. (établissements de santé privés à but lucratif)

 

L'article L.6112-3 du CSP précité prévoit également que les deux dernières catégories d'établissements de santé privés précités sont habilités, sur leur demande, par le directeur général de l'ARS à la condition qu'ils s'engagent, dans le cadre de la négociation de leur CPOM, à exercer l'ensemble de leur activité dans les conditions énoncées à l'article L. 6112-2.

 

Cela implique notamment de respecter, sur l'ensemble de leur activité, les garanties énoncées à l'article L.6112-2 que nous avons évoquées précédemment, notamment l'absence de dépassements d'honoraires.

 

Il convient d'évoquer le cas particulier visé à l'article L.6112-5 des établissements de santé privé, qui ne seront pas habilités à assurer le service public hospitalier mais qui, au titre de leur autorisation  à exercer une activité de soins prenant en charge des patients en situation d'urgence,  seront considérés  comme simplement associés au service public hospitalier. Pour ces établissements, le respect des garanties précitées ne s'appliquera pas à l'ensemble de l'activité mais à tout patient pris en charge en situation d'urgence ou dans le cadre de la permanence des soins dans ces établissements

 

Mise à part l'exception sus évoquée, les contraintes tarifaires sont importantes pour les établissements privés à but lucratif dont les médecins sont souvent autorisés, aux termes de leurs contrats d'exercice à pratiquer de tels dépassements, et risquent de compromettre l'engagement des cliniques dans ce nouveau